La Prajñaparamita.

Un commentaire du Ratnaguna-samcayagatha.

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La voie du Bouddha.

« Toutes les rivières de cette Île du Jamerosier,
Qui causent la croissance des fleurs, des fruits, des herbes et des arbres,
Dérivent de la puissance du roi des Nagas,
Du Dragon résidant dans le lac Anopatapta, son pouvoir magique.

Ainsi, quels que soient les Dharmas qu'établissent les disciples du Jina,
Quoi qu'ils enseignent, quoi qu'ils expliquent adroitement -
Concernant l'œuvre du saint qui mène au débordement de la félicité,
Et aussi le fruit de cette œuvre - c'est le fait du Tathagata. »

Cette « île du Jamerosier » est le Jambudvipa, parfois traduit par le pays, l'île, ou le continent (se référant bien sûr au sous-continent indien) des arbres aux fruits pourpres. Pour les anciens indiens, cependant, l'Inde était plus qu'un continent : c'était le monde entier. Ce monde était dominé par les montagnes de l'Himalaya, l'une d'entre-elles étant le Mont Kailash, au pied duquel se trouve le lac appelé Manasarovar par les hindous et Anopatapta par les bouddhistes, ce qui veut dire « non chaud », en d'autres termes « frais ». Les croyances indiennes anciennes disaient que ce lac était la source de toutes les rivières du Jambudvipa. Un coup d'œil à une carte de l'Inde confirme que c'est bien ainsi : le Brahmapoutre prend sa source du côté est, coule à travers le Tibet et revient vers l'Inde, l'Indus prend sa source au nord, le Sutlej à l'ouest et le Karnali au sud.

Du fait de la grande signification du Lac Anopatapta, il n'est pas surprenant que le naga qui y habite soit le plus grand de tous les nagas ou dragons animant les eaux du monde. Mais que devons-nous penser de ce naga ? Eh bien, en des termes « primitifs » ou animistes nous pouvons le voir comme un esprit des eaux, un esprit des profondeurs, si vous voulez, ou, de façon plus suggestive, comme la vie des eaux. Dans la pensée indienne antique, rien n'est considéré comme inanimé. L'idée que la matière est morte est un concept entièrement moderne, et, réellement, un concept très perverti. Les Jaïns, par exemple, ont toujours considéré les éléments comme des êtres vivants - non pas, remarquez bien, des choses vivantes, mais est êtres vivants. La terre est un jiva, un être vivant, auquel aucun mal ne doit être fait. Aucun mal ne doit non plus être fait à l'eau, ni à l'air, ni au feu. Tout est vivant, et cette vie est personnifiée dans ce que nous appelons des créatures mythologiques.

« Pouvoir magique » est une traduction d'anubhava, qui signifie quelque chose comme « autorité » ou « influence ». Un terme plus familier pour un tel pouvoir est Riddhi (iddhi en pâli), qui signifie puissance et pouvoir dans un sens très général, comme lorsque vous entendez parler de la Riddhi du roi, du pouvoir ou de l'influence qui en émane. Mais cela signifie également le pouvoir et l'influence qui émane du quatrième dhyana, un état d'absorption mentale extrêmement concentré en vertu duquel vous pouvez faire des choses qui semblent être des miracles. Ici, le miracle qui émane de l'anubhava du roi des nagas est la puissance fructificatrice des rivières de l'Inde, grâce auxquelles les plantes et les arbres poussent, fleurissent et font des fruits.

La comparaison entre cette puissance fructificatrice et l'anubhava du Tathagata rappelle la parabole du nuage de pluie, dans le Saddharma-pundarika Sûtra, le Sûtra du Lotus. Toutes deux utilisent la métaphore par laquelle, grâce à la puissance du Bouddha, les êtres fleurissent, grandissent et font des fruits, chacun selon sa propre nature. Nous devons imaginer le Dharma comme une grande rivière coulant tout au long des siècles depuis sa source, le Bouddha, par les canaux de ses disciples, par des conduites de toutes sortes de capacités, même par des petits tuyaux où il faut vraiment pomper très fort pour qu'en sorte un filet.

Le Bouddha dit ici que « quoi qu'enseignent les disciples du Jina … c'est le fait du Tathagata ». En d'autres termes, quand un disciple Éveillé parle, c'est réellement le Bouddha qui parle. Ceci fait-il donc du Bouddha un ventriloque, et de ses disciples ses marionnettes ? Non, bien évidemment. Si vous avez « récapitulé » en vous l'expérience du Bouddha, ce n'est pas comme si un autre individu ou une autre personne parlait à travers vous. Votre personnalité n'est pas en suspens tandis que le Bouddha prend la place ; vous ne supprimez pas vos propres pensées et idées, et ne laissez pas le Bouddha vous utiliser. Encore moins copiez-vous ou imitez-vous le Bouddha. Tout comme l'idéal de l'Imitation du Christ a souvent été mal compris en Occident, en Orient des gens font l'erreur d'essayer d'imiter le Bouddha en reproduisant simplement l'extérieur et en répétant ce qu'a dit le Bouddha. Notre but n'est pas de reproduire la façon qu'avait le Bouddha de communiquer l'expérience de l'Éveil, mais d'en faire nous-mêmes l'expérience (sans, bien sûr, y penser comme à une chose dont il faut faire l'expérience). C'est bien plus comme si nous devions fonctionner comme fonctionnait le Bouddha.

Pourquoi le texte implique-t-il donc que lorsqu'un disciple Éveillé parle, c'est « le fait du Tathagata » ? C'est parce que la partie égotiste de cet individu n'est pas simplement suspendue : elle a complètement disparu. Quand vous abandonnez votre propre volonté, alors vous avez vraiment votre propre volonté ; quand vous arrêtez d'insister pour n'en faire qu'à votre guise, alors vous n'en faites vraiment qu'à votre guise. Dans la mesure où vous êtes Éveillés, comme le Bouddha était Éveillé, dans la mesure où vous avez une véritable vue pénétrante, une véritable expérience de la réalité, dans cette mesure vous ressentirez avec force que les paroles que vous prononcez sont en fait les paroles du Bouddha. Bien sûr, le corollaire est aussi vrai : quand ce que vous dites vient de votre essence la plus profonde, c'est en vérité le Bouddha qui parle.

Dans cette strophe, le Bouddha stipule que l'« explication adroite » devrait « concerner l'œuvre du saint qui mène au débordement de la félicité ». Il serait possible de faire une série très intéressante de conférences basées sur le Majjhima-Nikaya, les « Discours de longueur moyenne », concernant les conditions sociales et économiques trouvées au temps du Bouddha. Tout cela viendrait directement des écritures bouddhiques. Mais communiqueriez-vous le Dharma ? Non : vous ne feriez que regarder l'emballage du Dharma, et non son essence. Si vous cherchiez à enseigner le Dharma, vous ne parleriez des manières et des habitudes trouvées au temps du Bouddha, pour prendre cet exemple, que dans la mesure où cela pourrait aider à présenter un cadre qui convienne au Dharma, et comme point de départ de l'enseignement. Peut-être présenteriez-vous de tels détails pour rendre les choses plus vivantes, mais non pour les détails eux-mêmes.

« Car quoi que le Jina, le Guide du Dharma, ait enseigné,
Ses élèves, s'ils sont sincères, y auront été bien formés.
Partant de l'expérience directe, dérivée de leur formation, ils l'enseignent,
Leur enseignement vient de la puissance des Bouddhas, et non de leur propre puissance. »

Le Bouddha est un guide ; il vous prend avec lui et vous montre le Dharma de façon à ce que vous puissiez le voir et en faire vous-mêmes l'expérience. Le Dharma ne doit pas être accepté les yeux fermés. Il faut en faire l'expérience. Mais remarquez que le Bouddha est un guide. Il ne dirige pas. Ceci est établi sans équivoque dans un épisode du Vinaya où Devadatta demande à pouvoir diriger le Sangha, suggérant qu'il est temps que le Bouddha se retire. La réponse du Bouddha présente la base erronée sur laquelle repose la demande de Devadatta. Il dit : « Je n'aurais même pas confié la direction du Sangha à Sariputta ou à Moggallana, sans parler d'en confier la direction à quelqu'un comme toi. Le Tathagata ne considère pas qu'il dirige le Sangha. Si quelqu'un considère qu'il dirige le Sangha, qu'il se mette en avant. »

Une communauté d'êtres Éveillés a-t-elle besoin d'un chef ? Non - c'est impensable. « Le Chef » est une épithète du Bouddha, plus loin dans ce texte, mais à la lumière de cette déclaration sans ambiguïté du canon pâli elle doit être comprise comme signifiant simplement celui qui montre la voie. Un groupe peut avoir un chef pour fonctionner dans une situation d'urgence, quand les décisions ne peuvent pas être prises facilement ou rapidement par l'ensemble des membres du groupe, ou même par leurs représentants. Mais dans le contexte spirituel, il n'y a pas de circonstance où vous puissiez passer votre responsabilité à quelqu'un d'autre. Vous pouvez demander des conseils aux autres, vous pouvez en tirer de l'inspiration, voire de l'instruction ; vous pouvez avoir un maître, un guide - mais pas un chef.

De même, le sangha ne peut pas être représenté. Vous ne pouvez pas avoir des « ambassadeurs » de la communauté spirituelle. Un ambassadeur politique est investi de tout le pouvoir de l'État qu'il représente : c'est pourquoi, selon le protocole diplomatique, les ambassadeurs ont préséance sur tout le monde, excepté sur les chefs d'État. De cette façon, les membres du groupe cèdent leur pouvoir à un individu, et acceptent ses actions et ses paroles comme étant leurs. C'est la politique. Si quelqu'un demande un « représentant bouddhique » dans un rassemblement œcuménique, ce n'est que de la politique ecclésiastique.

Ce n'est certainement pas votre gourou qui va vous représenter. S'il devait y avoir une question de représentation, ce serait dans l'autre sens : la communauté spirituelle représenterait le gourou. Un maître ou un précepteur peut exprimer une opinion, peut clarifier la situation telle qu'il la voit, et peut ne pas être d'accord avec les décisions prises par d'autres individus de la communauté spirituelle ; mais la liberté de choix d'un individu doit inclure la possibilité de faire une erreur. Dans la mesure où les bouddhistes peuvent être représentés, dans cette mesure ils ne sont pas réellement des bouddhistes.

Même si vous êtes membre d'un ordre bouddhiste, vous ne le représentez pas ; vous n'êtes pas investi d'un pouvoir quelconque pour parler en son nom. Ce que nous pouvons dire c'est que cet ordre est présent en votre personne. En vous-même vous êtes complet : vous êtes donc un microcosme de l'ordre, et où que vous soyez, vous êtes la présence de l'ordre à cet endroit. Ce n'est pas que l'ordre soit ailleurs, et que vous le représentiez ; c'est plus comme l'idée cathare selon laquelle toute l'église cathare est représentée dans le corps de l'individu croyant. Mais quand quelqu'un vous rencontre, c'est vous qu'il rencontre, ce n'est pas l'ordre - sauf dans la mesure où vous incarnez l'ordre en miniature. L'ordre n'est pas responsable de ce que vous dites, et vous n'êtes en aucune manière un porte-parole de l'ordre. Par définition, vous êtes un individu qui est un membre de l'ordre : vous êtes debout sur vos deux pieds. Si vous êtes réellement un bouddhiste, vous ne pouvez représenter le bouddhisme.

Ceci peut vous être très clair si vous êtes un bouddhiste pratiquant, mais ce ne sera pas le cas pour d'autres personnes, et il vous semblera parfois que vous flottez sur un océan sans fin de fausses vues, pagayant désespérément pour atteindre la terre sèche. Si les membres d'un ordre se reconnaissent à un trait vestimentaire caractéristique (dans le cas de l'Ordre Bouddhiste Occidental c'est une kesa), ce trait sera presque certainement pris par erreur pour l'insigne de l'appartenance à un groupe, plutôt que pour ce qu'il est : « un signe extérieur et visible d'une grâce intérieure et spirituelle » ; en d'autres termes, une autre forme de communication.

Si vous dites : « Je parle pour moi-même, et non en tant que représentant d'un groupe particulier de bouddhistes », il y a toujours des chances pour que l'on vous voie comme un membre d'un groupe, mais comme un membre qui s'est bien égaré - un bouddhiste idiosyncrasique et excentrique, peut-être, ou un mouton noir, ou même un bouddhiste défroqué, expulsé du Sangha. Si vous vous présentez comme un individu bouddhiste, c'est ainsi que les gens vous voient. Ils veulent savoir ce que les bouddhistes pensent généralement, et non ce que vous-même vous pensez. Ils veulent connaître la ligne du parti, afin qu'ils puissent la comparer avec la leur, et trouver quels sont les points communs entre les deux.

Vous faites de vous un canal pour le Dharma dans la mesure où vous avez réalisé ce dernier ; mais dans la mesure où vous ne l'avez pas réalisé, vous ne pouvez être qu'un « représentant », et cela peut être une position très fausse et peu confortable. C'est comme la situation dans laquelle vous vous trouvez lorsque vous êtes à l'étranger. Si vous venez d'une démocratie, les gens se sentent souvent justifiés de vous tenir personnellement responsable des actions de votre propre gouvernement, à la désignation duquel vous êtes censé avoir participé, fût-ce de façon nominale. Alors que cela faisait dix ans que je vivais en Inde, des gens venaient me demander : « Pourquoi avez-vous fait cela ? » Je leur répondais : « Fait quoi ? » Et ils me disaient : « Envahi Suez, bien sûr ; pourquoi avez-vous envahi Suez ? » De manière similaire, en tant que bouddhiste l'on est, étrangement, tenu pour responsable de tous les péchés par omission et par commission faits partout par tous les bouddhistes.

Un bouddhiste n'est pas même garant d'un « État bouddhique » ; en fait, un « État bouddhique » est réellement une contradiction dans les termes. Un État peut bien décider d'agir pour, par exemple, repousser un envahisseur par la force. Ou bien il peut, dans l'alternative, décider de n'offrir aucune résistance et de prendre l'option d'une non-violence sans équivoque. Mais, dans les deux cas, il n'agirait pas comme un État bouddhique. En tant que bouddhiste, vous prenez vos propres décisions individuelles. Si une personne les prenait pour vous, elle ne serait pas bouddhiste ; et si vous acceptiez ses décisions prises en votre nom, vous ne seriez pas non plus bouddhiste. La notion de gouvernement n'a pas de place dans la communauté spirituelle. Idéalement, c'est une anarchie. L'anarchie ne veut pas dire ne pas avoir de gouvernement ; cela veut dire ne pas avoir besoin de gouvernement, parce que vous gouvernez vous-mêmes. Dans la mesure où nous nous gouvernons tous nous-mêmes selon les mêmes principes spirituels, nous n'avons pas besoin de gouvernement externe. Dans la communauté spirituelle, dans le Sangha, il devrait y avoir une anarchie complète - une anarchie harmonieuse, fonctionnant sans à-coups.

A cet égard, l'évolution politique moderne vers le régionalisme et la décentralisation (le principe de subsidiarité) est totalement saine. Ce dont ceux qui nous gouvernent ont peur n'est pas que l'anarchie ne marche pas ; ils ont peur qu'elle marche. Ils diront : « Si la Grande-Bretagne éclate en petites unités indépendantes et auto-gouvernées, ce sera l'anarchie complète. » Eh bien, oui, ce sera le cas. C'est l'idée. Sans aucun doute y aura-t-il une certaine confusion pour commencer. Sans aucun doute sera-t-il nécessaire d'avoir une certaine coordination entre ces unités, et diverses agences internationales devraient être mises en place pour régler les divergences. Mais les gens devraient pouvoir régler leurs propres affaires : ils n'ont pas besoin d'une autorité supérieure faisant cela pour eux.

Le Bouddha peut dire de ses disciples : « Partant de l'expérience directe, dérivée de leur formation, ils enseignent ... le Dharma », mais nous pouvons nous-même nous trouver dans une situation où nous parlons du Dharma, alors que nous n'avons pas atteint la réalisation, alors que nous ne parlons pas encore le Dharma. Dans ces circonstances nous devons rendre explicite, tant pour nous que pour les autres, le fait que nous transmettions quelque chose qui n'est pas nôtre. La clef de cela est de toujours rester fidèle à notre propre expérience, de lier l'enseignement à notre propre expérience chaque fois que cela nous est possible (même si notre propre expérience ne reflète qu'une petite lueur du Dharma) et de toujours trouver des applications concrètes aux principes généraux.

Il ne sert vraiment à rien de se lancer dans une longue présentation de toutes les formes différentes de karma, comme si l'on en avait personnellement observé le fonctionnement et comme si l'on avait soi-même regardé dans tous les cieux et dans tous les enfers, et que l'on y avait vu des gens y renaître. Il suffit de donner un résumé des grandes lignes de la doctrine, ou d'indiquer le principe général, et de dire : « Voilà ce que j'ai compris de l'enseignement du Bouddha. » Si l'on a été réellement capable d'approfondir sa compréhension de l'expérience du Dharma, par exemple en retraite, on peut bien vouloir trouver une occasion d'en communiquer une partie, ne serait-ce que parce que l'exprimer va l'établir et la renforcer en nous. Mais si la voix du Bouddha vient de notre bouche, et si l'on n'a pas reconnu que ce n'est pas réellement soi qui parle, cela semblera tout à fait mal à propos.

La seconde erreur à éviter lorsque l'on enseigne le bouddhisme est de présumer que l'on se tient en représentant du bouddhisme dans son entièreté. C'est une illusion de penser que l'on peut représenter le bouddhisme comme une sorte de bloc monolithique, comme si l'Abhidharma, le Yogacara, le Madhyamika (sans mentionner, par exemple, les marges du bouddhisme japonais moderne) s'ajustaient parfaitement, car ce n'est pas du tout le cas. Ceci veut-il dire que nous ne pouvons pas du tout représenter l'enseignement ? Non, bien sûr. En fin de compte, cela se ramène à l'expérience : nous n'avons pas à nous mettre à représenter des doctrines et des enseignements qui ne semblent pas se rapporter à notre propre pratique individuelle, ici et maintenant.

Si vous avez dans une certaine mesure réalisé l'enseignement, alors, dans cette mesure, l'enseignement peut parler à travers vous, et dans cette mesure, on peut dire que vous représentez l'enseignement. Même si vous ne l'avez pas du tout réalisé, mais si vous le ressentez un peu, si vous n'êtes pas complètement déconnecté de la vérité non réalisée dont vous parlez, vous pouvez toujours avoir confiance et communiquer à partir de ce degré de connexion. Ceci est dit en faisant bien sûr l'hypothèse que vous n'utilisez pas le Dharma pour « la ramener », exprimant vos propres pensées et sentiments sous l'apparence de votre expression du Dharma. Quand le Bouddha s'exprime, il exprime le Dharma, mais nous ne pouvons pas en présumer autant.

Ceci veut-il dire que nous ne devrions éviter de parler d'un sujet que nous n'avons pas proprement compris ou que nous n'avons pas eu le temps de bien préparer ? Eh bien, pas nécessairement. Il n'est pas idéal de laisser consciemment le Bouddha utiliser votre nama-rupa, votre organisme psychophysique, pour une sorte de ventriloquie de l'esprit, mais ce n'est certainement pas à rejeter ; seulement, ce n'est pas vous qui feriez l'enseignement. La formulation verbale du point de vue Éveillé peut vraiment créer chez l'auditeur une impression qui est plus profonde que celle faite sur celui qui parle. Même dans le contexte d'une mauvaise conférence, l'enseignement peut avoir plus de signification pour l'auditeur que pour le conférencier. En d'autres termes, un maître peut laisser ouverte la possibilité d'une sorte de force inhérente non seulement au Dharma, mais au Dharma tel qu'il est formulé ; il peut aussi laisser ouverte la possibilité d'une réceptivité particulière d'une audience.

© 'Wisdom beyond words' Sangharakshita, Windhorse Publications 1993, traduction © Christian Richard 2003.

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