Qui est le Bouddha ?

Symbolisme archétypal dans la biographie du Bouddha.

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Si l'on regarde sous la surface rationnelle et conceptuelle de l'esprit humain, on trouve de vastes profondeurs insondées qui forment ce que l'on appelle l'inconscient. La psyché, dans sa totalité, est faite tant du conscient que de l'inconscient. La partie inconsciente, non rationnelle, de l'homme représente de loin la majeure partie de sa nature totale, et son importance est beaucoup plus grande que ce que nous voulons généralement bien reconnaître. La conscience n'est guère qu'une légère écume jouant et brillant à la surface, tandis que l'inconscient est comme les vastes profondeurs de l'océan, sombres et insondées, loin en dessous. Afin de faire appel à l'homme tout entier, il ne suffit pas de faire appel à la seule intelligence rationnelle et consciente, qui flotte à la surface. Nous devons faire appel à quelque chose de plus, et ceci veut dire que nous devons parler un langage entièrement différent du langage des concepts, de la pensée abstraite : nous devons parler le langage des images, de la forme concrète. Si nous voulons atteindre cette partie non rationnelle de la psyché humaine, nous devons utiliser le langage de la poésie, du mythe, de la légende.

Cet autre langage, non moins important, est un langage que beaucoup de gens ont oublié de nos jours, ou dont ils ne connaissent que quelques formes défigurées et brisées. Mais le bouddhisme parle vraiment ce langage : il le parle de façon non moins puissante qu'il parle le langage des concepts, et c'est à travers ce langage que nous allons aborder notre sujet, passant de l'abord conceptuel à l'abord non conceptuel, de l'esprit conscient à l'inconscient. Nous allons ici commencer à entrer dans ce langage, y rencontrant une partie de ce que j'ai appelé « le symbolisme archétypal dans la biographie du Bouddha ». Pour permettre cette rencontre, nous devons être réceptifs, nous ouvrir à ces symboles archétypaux, les écouter et les laisser nous parler de leur propre manière, à nos profondeurs inconscientes en particulier ; de cette façon nous ne les réalisons pas seulement mentalement, mais nous en faisons l'expérience, nous les assimilons, leur laissant même la possibilité de transformer, finalement, la totalité de notre vie.

Le langage du bouddhisme.

Certaines personnes ont l'impression que le bouddhisme ne parle que le langage des concepts, de la raison, que ce n'est qu'un système strictement rationnel, voire une sorte de rationalisme. Quand elles entendent le mot bouddhisme, elles attendent quelque chose de vraiment très sec et abstrait : c'est presque comme si elles entendaient un squelette grincer ! Un tel malentendu est d'une certaine façon très naturel en Occident. Après tout, quatre-vingt-dix pour cent, si ce n'est quatre-vingt-dix-neuf pour cent de notre connaissance provient de livres, de magazines, de conférences, etc., ce qui fait que, bien que nous ne soyons pas toujours conscient de cela, nous abordons les choses, et donc le bouddhisme, en termes de compréhension mentale. Il touche notre intelligence rationnelle, notre capacité à formuler les concepts. De cette manière, notre impression du bouddhisme ne porte que sur un seul aspect de celui-ci. Mais en allant en Orient, nous voyons une image très différente. En fait, nous pourrions même dire que, dans les pays bouddhistes orientaux, les gens tendent vers l'autre extrême. Ils tendent à être émus et influencés par les divinités, les images autour d'eux, sans pouvoir facilement donner une formulation mentale de ce en quoi ils croient vraiment. Quand je suis allé vivre à Kalimpong, dans l'Himalaya, j'ai été surpris, au début, de voir que nombre de mes amis du Tibet, du Sikkim et du Bhoutan, qui étaient d'ardents bouddhistes pratiquants, n'avaient jamais entendu parler du Bouddha ! Ou bien, si son nom était mentionné, ils pensaient que c'était un personnage historique très irréel et distant. Des formes archétypales comme Padmasambhava, ou les « cinq Jinas », ou Maitreya, leur étaient réelles, mais ce n'était pas le cas des faits et des personnages historiques.

En ce qui concerne le bouddhisme en Occident, une bien plus grande attention a été donnée à l'approche conceptuelle, analytique et intellectuelle. Nous devons maintenant accorder beaucoup plus de temps et une attention beaucoup plus sérieuse à l'autre façon de l'aborder, afin de commencer à essayer de combiner ces deux approches, d'unifier le conceptuel et le non-conceptuel. En d'autres termes, nous avons besoin d'une vie spirituelle équilibrée dans laquelle l'esprit conscient et l'esprit inconscient jouent tous deux leur rôle.

Maintenant, définissons nos termes principaux. Qu'entend-on par symbolisme archétypal ? Qu'est-ce qu'un archétype ? De façon générale, en suivant le dictionnaire, on peut dire qu'un archétype est un schéma ou un modèle originel d'une œuvre, ou le modèle à partir duquel une chose est faite ou créée. Dans la psychologie de Jung (c'est Jung qui a rendu ce terme familier, dans le contexte psychologique moderne) le terme est utilisé dans un sens beaucoup plus spécialisé. Je dois dire que je trouve assez difficile d'élucider le sens précis dans lequel Jung utilise ce mot. Il l'utilise de façon très fluide et changeante. La signification n'est pas toujours conceptuellement claire et il a tendance à se reposer sur des exemples, qu'il cite à profusion. En faisant cela, sans aucun doute procède-t-il délibérément. Peut-être vaut-il mieux faire comme lui et éclaircir la signification de ce terme à l'aide d'exemples.

Et qu'entendons-nous par symbolisme ? Un symbole est généralement défini comme un signe visible de quelque chose d'invisible. Mais d'un point de vue philosophique et religieux c'est plus que cela : c'est quelque chose qui existe à un niveau bas et qui a une correspondance avec quelque chose qui existe à un niveau plus élevé. Pour citer un exemple commun, dans les diverses traditions théistes le soleil est un symbole de Dieu, car le soleil assure dans l'univers physique la même fonction que Dieu, selon ces systèmes, assure dans l'univers spirituel : le soleil apporte la lumière et la chaleur, tout comme Dieu apporte la lumière de la connaissance et la chaleur de l'amour dans l'univers spirituel. On peut dire que le soleil est le dieu du monde matériel, et que, de la même façon, Dieu est le soleil du monde spirituel. C'est le même principe qui se manifeste à différents niveaux, de différentes manières. C'est, bien sûr, la vieille idée hermétique : « En bas tout comme en haut ».

Deux sortes de vérité.

Passons maintenant à la biographie du Bouddha. Divers ´rudits occidentaux ont essayé d'écrire des biographies complètes et détaillées du Bouddha. Il y a beaucoup de matériau traditionnel disponible. Nombre de biographies furent écrites dans l'Inde ancienne, telle la Mahavastu (le Grand Récit). C'est essentiellement une biographie du Bouddha, quoiqu'elle contienne beaucoup d'autres choses, en particulier des Jatakas et des Avadanas. C'est une œuvre volumineuse (environ 1500 pages au total, en trois tomes dans la traduction anglaise) mais qui contient des choses très anciennes, et des informations très importantes. Puis il y a le Lalitavistara et l'Abhiniskramana sûtra, qui sont tous deux des sûtras du Mahayana. Le Lalitavistara est une œuvre très poétique, appelant fortement à la dévotion et de grande valeur littéraire. C'est en fait sur elle qu'est essentiellement basé le célèbre poème de Sir Edwin Arnold, La lumière de l'Asie.

Ces œuvres sont en sanskrit, mais en pâli il y a aussi le Nidana, l'introduction de Bouddhaghosha à son propre commentaire des histoires des Jatakas. Il y a aussi le Buddhacarita (ou Actes du Bouddha) d'Ashvaghosha, un beau poème épique en sanskrit classique.

Des érudits occidentaux ont exploré en détail cet abondant matériau, mais, ayant étudié les divers épisodes et événements, ils les séparent en deux grands « ensembles ». Ils rangent d'un côté tout ce qu'ils considèrent comme étant des faits historiques : le fait que le Bouddha soit né dans une certaine famille, qu'il parle une certaine langue, qu'il ait quitté sa maison à un certain âge, etc. Ils rangent de l'autre côté tout ce qu'ils considèrent comme étant des mythes et des légendes. Jusque là tout va bien, mais la plupart d'entre eux vont plus loin et commencent à se complaire dans des jugements de valeur, disant que seuls les faits historiques, ou ce qu'ils considèrent comme les faits historiques, sont valables et pertinents. Ils considèrent le plus souvent les mythes et les légendes, toute la poésie du récit, comme une simple fiction, qu'il faut donc rejeter car étant complètement sans valeur.

Ceci est vraiment une très grande erreur, car on peut dire qu'il y a deux sortes de vérité : il y a ce que l'on appelle la vérité scientifique, la vérité des concepts, du raisonnement ; et, en plus de cela - certains diraient même au-dessus de cela - il y a ce que l'on peut appeler la vérité poétique, ou la vérité de l'imagination, de l'intuition. Les deux sont au moins aussi importantes l'une que l'autre. La seconde sorte de vérité est révélée, ou se manifeste dans ce que l'on appelle les mythes et les légendes, ainsi que dans les œuvres d'art, les rituels symboliques, et aussi de façon très importante dans les rêves. Et ce que nous appelons le symbolisme archétypal de la biographie du Bouddha appartient à cette seconde catégorie : ce n'est pas là pour exprimer une vérité historique, une information factuelle, mais pour exprimer une vérité poétique, voire spirituelle. Nous pouvons dire que cette biographie (ou biographie partielle) du Bouddha, en terme de symbolisme archétypal, ne porte pas sur les événements extérieurs de sa vie, mais est là pour nous suggérer quelque chose de son expérience spirituelle intérieure et, donc, pour jeter une lumière sur notre vie spirituelle à tous.

Ce symbolisme archétypal est souvent trouvé dans les biographies bouddhiques, par exemple dans les vies de Nagarjuna, de Padmasambhava, de Milarépa. Dans toutes ces soi-disant biographies il y a de nombreux événements qui ne sont pas basés, ni supposés être basés, sur des faits historiques, mais qui ont une signification symbolique archétypale pointant vers l'expérience intérieure et la réalisation intérieure. Parfois, il est difficile de distinguer entre les deux catégories, de décider si une chose appartient à l'ordre historique ou à l'ordre symbolique. Très souvent, la tradition bouddhique elle-même ne fait pas très bien la distinction entre les deux. Elle semble généralement présenter les mythes et légendes tout aussi littéralement que les faits historiques, comme si aux temps anciens l'homme n'avait presque pas eu la capacité, ni peut-être même la volonté, de faire une telle distinction. Tout était vrai, tout était factuel, dans son propre genre, dans son propre ordre. Il n'y a pas de mal à ce que nous essayions de décider ce qui constitue le contenu factuel et historique de la biographie du Bouddha, et ce qui en constitue le contenu archétypal et symbolique, mais nous devons faire attention à ne pas sous-évaluer les éléments mythiques et légendaires.

Symbolisme bouddhique.

Je propose maintenant de donner quelques exemples de symbolisme archétypal provenant de la biographie du Bouddha, tirés de certains des textes que j'ai mentionnés. Cela ne sera pas par ordre chronologique, puisqu'à l'exception d'une séquence particulière, cela ne semble pas avoir d'importance particulière. Je vais commencer par un exemple assez simple, connu dans la tradition bouddhique sous le nom de Double miracle, ou yamaka-prtiharya (en pâli : yamaka-paihriya) et qui, selon les écritures, fut accompli par le Bouddha en un lieu appelé Srvasti, puis plus tard reproduit en un certain nombre d'autres occasions. La Mahavastu décrit le Bouddha l'accomplissant à Kapilavastu. Le texte dit :

« Alors, l'Exalté, se tenant en l'air à la hauteur d'un palmier, fit des miracles divers et variés de double apparition. La partie inférieure de son corps était en flammes, tandis que de la partie supérieure s'écoulaient cinq cents jets d'eau froide. Alors que la partie supérieure de son corps était en flammes, cinq cents jets d'eau froide s'écoulaient de la partie inférieure. Puis, par sa puissance magique, l'Exalté se transforma en un taureau à la bosse palpitante. Le taureau disparut à l'est et apparut à l'ouest. Il disparut au nord et apparut au sud. Il disparut au sud et apparut au nord. Et c'est ainsi que le grand miracle doit être décrit en détail. Plusieurs milliers de kotis d'êtres, voyant ce grand miracle de magie, devinrent joyeux, heureux et contents, et clamèrent des milliers de bravos à la vue de cette merveille. »

Je ne vais rien dire ici de la transformation du Bouddha en taureau : le taureau est un symbole universel dans la mythologie et le folklore, et il mérite une étude en soi. Je vais me concentrer ici sur le Double miracle lui-même. Tout d'abord, le Bouddha est debout en l'air (dans certaines versions il est représenté montant et descendant en l'air, comme s'il se promenait). Ceci signifie un changement de niveau, et est très significatif. Cela représente le fait que ce qui est décrit ci-dessus ne se passe pas au niveau terrestre, ou au niveau historique. Le Double miracle n'est pas un miracle dans le sens usuel, ni quelque chose de magique ou de supra-normal se déroulant ici, sur cette Terre, mais quelque chose de spirituel, quelque chose de symbolique, se déroulant à un niveau d'existence métaphysique plus élevé. La présence, dans toute scène de l'art bouddhique, d'une fleur de lotus, par exemple, a la même signification. Si un Bouddha, ou un autre personnage, est dessiné assis sur une fleur de lotus, cela veut dire que la scène se passe à un niveau trans-humain, transcendant, où le lotus symbolise la coupure du contact avec le monde. En fait, dans les sculptures représentant le Double miracle, puisqu'il n'est pas possible de représenter le Bouddha en l'air, ce qui l'emporterait hors de la sculpture, il est représenté assis sur une fleur de lotus.

Étant debout, en l'air, dans cette dimension métaphysique, si l'on peut dire, le Bouddha émet en même temps du feu et de l'eau : du feu de la partie supérieure de son corps, de l'eau de la partie inférieure, et puis vice versa. Si l'on voulait prendre cela littéralement, historiquement, ce ne serait au mieux qu'un tour de prestidigitation, rien de plus. Mais le Bouddha ne se complaisait certainement pas dans des tours de prestidigitation. Au niveau d'existence élevé où il se tient, l'eau et le feu sont des symboles universels. On les trouve dans le monde entier, dans toutes les races, dans toutes les cultures, dans toutes les religions. Le feu représente toujours « l'esprit » ou « le spirituel », et l'eau représente toujours la matière, ce qui est matériel. Le feu représente le principe céleste, positif, masculin ; l'eau représente le principe terrestre, négatif, féminin. Le feu représente l'intellect, l'eau les émotions. Le feu représente encore la conscience, l'eau l'inconscient. En d'autres termes, le feu et l'eau représentent à eux deux tous les opposés cosmiques. Ils représentent ce que dans la tradition chinoise on appelle le yin et le yang.

Le fait que le Bouddha émette en même temps du feu et de l'eau représente la conjugaison de ces grandes paires d'opposés. Cette conjonction, à tous les niveaux, et en particulier au niveau le plus élevé, est synonyme de ce que nous appelons l'Éveil, de ce que les Tantras appellent le yuganaddha, le deux-dans-l'un. Ce deux-dans-l'un, cette union, ou harmonie, ou intégration des opposés représentée ici a un parallèle intéressant dans la tradition alchimique occidentale que Jung, par exemple, a exploré, et où l'union du feu et de l'eau est considérée comme étant tout le secret de l'alchimie - non pas, bien sûr, dans le sens de la production d'or, mais dans le sens de la transmutation spirituelle. Dans l'alchimie, cette union du feu et de l'eau est parfois appelée le mariage du Roi Rouge et de la Reine Blanche. Ici, cet épisode du Double miracle nous dit que l'Éveil n'est pas une chose unilatérale, n'est pas une expérience partielle, mais que c'est l'union, la conjonction d'opposés, du feu et de l'eau, au niveau le plus élevé qui soit.

Tournons-nous maintenant vers un autre épisode. Selon la tradition théravada, le Bouddha enseigna ce qui allait être connu sous le nom d'Abhidharma à sa mère décédée, dans le Paradis des Trente-trois Dieux (un monde céleste plus élevé où elle renaquit après être morte sept jours après l'avoir mis au monde). Puis il revint sur terre, en descendant un magnifique escalier, entouré par divers dieux, divinités et anges. Dans les textes bouddhiques, cet escalier est décrit en des termes vraiment très merveilleux : il est fait d'or, d'argent et de cristal. Imaginez donc ce magnifique escalier s'étendant du Paradis des Trente-trois Dieux jusqu'à la Terre.

Ceci aussi, l'escalier ou l'échelle joignant ciel et terre, est un symbole universel. Parfois, c'est une corde d'argent ou d'or reliant les deux. Par exemple, il y a dans la Bible l'échelle de Jacob, qui a la même signification. Et à un niveau plus populaire, il y a le tour de la corde indienne : le magicien, ou le yogi, jette une corde en l'air. Elle s'attache dans le ciel, et il y monte avec son disciple ; puis il met son disciple en pièces, les morceaux tombent et le disciple est reconstitué. On trouve cette conception de manière particulièrement forte dans le chamanisme de toute la région arctique. L'escalier est ce qui unit les opposés, ce qui lie, qui met ensemble le ciel et la terre. Dans les textes bouddhiques, la signification archétypale de cet épisode de la descente du Bouddha est mise en valeur par des descriptions colorées et lumineuses, avec l'or, l'argent et le cristal, avec diverses lumières colorées, des ensembles impressionnants d'ombrelles et de parasols colorés, des fleurs tombant, et de la musique. Tout ceci est très attrayant non pas pour l'esprit conscient, mais pour l'inconscient, pour les profondeurs.

Une autre variante importante du thème de l'union des opposés est ce que l'on appelle généralement l'Arbre du Monde, ou Arbre cosmique. Le Bouddha, selon les récits traditionnels, atteignit l'Éveil au pied d'un arbre, d'un pipal. Il est significatif que, d'un point de vue historique et factuel, nous ne sachions pas s'il était réellement assis sous un arbre ou pas : les récits les plus anciens ne le mentionnent pas. Nous pouvons tout naturellement en faire l'hypothèse car, après tout, il atteignit son Éveil au mois de mai qui, en Inde, est l'époque la plus chaude de l'année. Il est donc plus que probable qu'il était assis sous un arbre, simplement pour profiter de son ombre et s'abriter de la chaleur. Mais nous ne savons pas. Peu à peu, semble-t-il, alors que dans ses biographies se développaient les éléments légendaires et mythiques, le Bouddha devint de plus en plus associé, au moment de son Éveil, avec le fait d'être assis au pied d'un arbre. Les racines d'un arbre s'enfoncent profondément dans le sol, tandis que ses branches s'élancent dans le ciel. L'arbre aussi lie donc ciel et terre ; c'est aussi un symbole d'union ou d'harmonie des opposés.

L'Arbre du Monde est trouvé dans la plupart des mythologies. Il y a par exemple l'Yggdrasil scandinave, le Frêne du Monde, aux racines profondes, aux branches haut dans les cieux, tous les mondes, si l'on peut dire, étant suspendus à ses branches. Et l'on a souvent cette identification de la croix chrétienne avec un Arbre du Monde ou un Arbre cosmique. J'ai vu une représentation de la crucifixion où des branches poussaient des bras de la croix, et où des racines s'enfonçaient profondément dans le sol. Tout comme l'Arbre du Monde, la croix aussi lie cosmiquement le ciel et la terre, tout comme le Christ unit « psychologiquement » les natures humaine et divine.

L'image du point central est associée de près à l'idée d'une échelle, d'un escalier ou d'un arbre. Dans toutes les descriptions légendaires traditionnelles du Bouddha atteignant l'Éveil, il est représenté assis sur ce qui s'appelle le vajrasana, ce qui signifie littéralement Siège de diamant et est parfois traduit par Trône de diamant. Dans la tradition bouddhique, le diamant, le vajra, le dorje représente toujours l'élément Transcendantal, la base métaphysique. Selon la tradition, le vajrasana est le centre de l'univers. On peut comparer ceci avec la tradition chrétienne correspondante, qui dit que la croix se tenait au même endroit que l'Arbre de la connaissance du Bien et du Mal, dont Adam et Ève ont mangé la pomme, et que cet endroit était l'exact centre du monde. Cette centralité du vajrasana dans le cosmos suggère que l'Éveil consiste à adopter une position de centralité. Cette centralité métaphysique ou transcendante, qui constitue l'Éveil, équivaut à l'union des opposés dont nous avons parlé.

Nous pouvons continuer ainsi presque indéfiniment : les écritures, les biographies traditionnelles sont pleines de matériau de cette sorte qui, malheureusement, n'a pas encore été exploré de cette manière.

L'éveil du Bouddha.

Considérons maintenant non pas des symboles archétypaux isolés, mais toute une séquence de symboles, qui est liée à l'événement le plus important de toute la carrière du Bouddha, son atteinte de l'Éveil. Ces symboles sont représentés par certains événements généralement considérés comme historiques, ou partiellement historiques, mais dont la vraie signification est beaucoup plus profonde.

Le premier de ces événements est traditionnellement connu comme la victoire sur Mara, le Malin, le Satan du bouddhisme. Le Bouddha, ou le bodhisattva (en pâli : bodhisatta), celui qui allait devenir le Bouddha, était assis, méditant, au pied de l'arbre (ici, ce sont certains des récits légendaires tardifs qui nous intéressent) quand il fut attaqué par des hordes de terribles démons, par toutes sortes de personnages vils, laids et difformes, conduits par Mara. Ces hordes, et leurs attaques, sont décrites de manière vive dans l'art et la poésie bouddhiques. Les démons étaient partiellement humains, partiellement animaux, déformés de façon hideuse, avec des expressions perverses, hargneuses, courroucées et coléreuses, certains brandissant de grands bâtons, d'autres brandissant des épées, tous vraiment très menaçants et terrifiants. Mais toutes les pierres, toutes les flèches, toutes les flammes, atteignant les bords de l'aura de lumière du Bouddha, se transformaient en fleurs et tombaient à ses pieds.

La signification de ceci est évidente et n'a pas besoin d'être expliquée : elle n'a besoin que d'être ressentie. Le Bouddha n'était pas touché, n'était pas ému par cette terrible attaque. Ses yeux restaient fermés, il restait en méditation, avec le même sourire sur ses lèvres. Mara envoya alors au Bouddha ses trois très belles filles qui portaient les noms de Luxure, Passion et Délice. Elles dansèrent devant le Bouddha, mettant en œuvre toutes leurs ruses, mais le Bouddha n'ouvrit même pas les yeux. Elles se retirèrent, déconfites. Tout ceci représente les forces de l'inconscient dans leur forme brute, non sublimée. Tous les démons, les figures terriblement déformées représentent la colère, l'aversion, l'antipathie, etc. Quant aux filles de Mara, elles représentent, bien sûr, les divers aspects de l'avidité et du désir. Mara lui-même représente l'ignorance primordiale, l'absence de prise de conscience, du fait de laquelle nous renaissons encore et encore et encore... Incidemment, la signification littérale du nom Mara est simplement « mort ».

Le second incident est connu sous le nom d'appel à témoignage de la déesse Terre. Après avoir été vaincu, après le départ de ses hordes déconfites, Mara essaya quelque chose d'autre. Il dit à celui qui allait devenir le Bouddha : « Tu es assis au point central de l'univers, sur le trône des Bouddhas du passé. Quel droit as-tu, toi, une personne ordinaire, d'être assis sur ce Trône de Diamant, sur lequel s'assirent les précédents Bouddhas ? » Alors, le Bouddha dit : « Dans mes vies passées, j'ai pratiqué toutes les pramits, toutes les perfections, à savoir la Perfection de la Générosité, la Perfection de la Moralité, la Perfection de la Patience, la Perfection de l'Énergie, la Perfection de la Méditation, la Perfection de la Sagesse. Je les ai toutes pratiquées, j'ai atteint un point dans mon évolution spirituelle où je suis prêt, où je suis sur le point d'atteindre l'Éveil. Je suis donc digne de m'asseoir sur ce Trône de Diamant, comme les Bouddhas du passé lorsqu'ils ont atteint l'Éveil. »

Mara n'était pas satisfait. Il dit : « Eh bien, tu dis que dans tes vies passées tu as pratiqué toutes ces perfections, mais qui t'a vu le faire ? Qui est ton témoin ? » Mara se déguise en homme de loi, il veut un témoin, il veut une preuve. Le futur Bouddha, assis sur le Trône de Diamant en position de méditation, les mains reposant sur les genoux, tapa alors doucement la terre (c'est la fameuse bhumisparsa-mudra, la mudra, ou position, du toucher de la Terre, ou de la prise à témoin de la terre), et la Déesse Terre apparut, portant un vase dans la main. Elle témoigna, disant : « J'ai tout le temps été ici. Les hommes vont, les hommes viennent, la terre reste toujours. J'ai vu toutes ses vies passées. J'ai vu des centaines de milliers de vies dans lesquelles il a pratiqué les Perfections. Je témoigne donc que d'après sa pratique de ces Perfections il est digne de s'asseoir sur le siège des Bouddhas du passé ».

Cette scène aussi est souvent représentée dans l'art bouddhique ; la déesse Terre est parfois vert foncé, parfois d'un beau brun-doré, émergeant toujours à demi de la terre, ressemblant beaucoup à Erda, dans le Ring de Wagner (Erda signifie bien sûr Terre, et Erda et la déesse Terre sont pareilles à Hertha, dans le célèbre poème du même nom, de Swinburne). La signification de la déesse Terre est un sujet en soi et toute une littérature y est dédiée. Fondamentalement, elle représente les mêmes forces que celles représentées par les filles de Mara. Mais, alors que les filles de Mara les représentent dans leurs aspects bruts, négatifs, non sublimés, la déesse Terre, lorsqu'elle témoigne, les représente dans leurs aspects apprivoisés, contenus, voire sublimés : prêtes à aider et non à empêcher.

Le troisième événement est connu sous le nom de requête de Brahma. Le Bouddha, après son Éveil, était enclin à rester silencieux. Il réfléchissait : « Cette Vérité, cette Réalité que j'ai découverte, est si abstraite, si difficile à voir, si sublime, que les gens ordinaires, les yeux recouverts par la poussière de l'ignorance et de la passion, ne la verront pas, ne l'apprécieront pas. Il vaut donc mieux que je reste silencieux, que je reste sous l'arbre de la Bodhi, que je reste les yeux fermés, plutôt que d'aller dans le monde et de prêcher. » Mais alors vint une autre grande apparition. Une grande lumière brilla, et au milieu de la lumière une ancienne figure, celle de Brahma Sahampati, Brahma le Grand Dieu, le Seigneur des Mille Mondes, apparut devant le Bouddha, les mains jointes. Il dit : « S'il te plaît, prêche, prêche la Vérité ; il y en a juste quelques-uns, avec un peu de poussière sur les yeux. Ils apprécieront, ils suivront. » Le Bouddha ouvrit son œil divin et contempla l'univers. Il vit tous les êtres, comme des lotus dans un étang, à divers stades de développement. Et il dit : « Pour le bien de ceux qui n'ont qu'un petit peu de poussière sur les yeux, de ceux qui sont comme des lotus émergeant à demi, je vais enseigner le Dharma ».

Historiquement parlant, nous ne devons bien sûr pas prendre cet événement littéralement : le Bouddha était Éveillé, il n'avait pas besoin qu'on lui demande de prêcher. La Requête de Brahma représente la manifestation, dans l'esprit même du Bouddha, des forces de Compassion qui l'ont finalement poussé à faire connaître la Vérité qu'il avait découverte, à prêcher à l'humanité.

Le quatrième et dernier épisode est l'épisode de Mucalinda. Pendant sept semaines, le Bouddha resta assis au pied de l'arbre de la Bodhi et d'autres arbres aux alentours, et au milieu de la septième semaine éclata un grand orage. Le Bouddha atteignit l'Éveil au mois de mai : sept semaines de plus nous mènent donc au milieu du mois de juillet, au début de la saison des pluies. En Inde, quand commencent les pluies de la mousson, en quelques instants le ciel tout entier devient noir et il se met à pleuvoir non pas à seaux, mais à véritables réservoirs. Le Bouddha était dehors, sous un arbre, vêtu seulement d'une fine robe : il n'y avait pas grand chose qu'il puisse faire. Mais une autre figure sortit du sous-bois, de l'ombre : un grand serpent, le Roi Mucalinda, le Roi-Serpent. Il vint, enroula ses anneaux autour du Bouddha, et tint son capuchon au-dessus de la tête du Bouddha, comme un parapluie, le protégeant ainsi de l'averse. Cet épisode est souvent représenté dans l'art bouddhique, parfois de façon presque comique : vous voyez un rouleau, comme un rouleau de corde, d'où émerge tout juste la tête du Bouddha, protégée par le capuchon formant un parapluie. Puis la pluie disparut, les nuages d'orage se dissipèrent, et le Roi-Serpent prit une forme différente, celle d'un beau jeune homme d'environ seize ans, qui salua le Bouddha.

Quelques savants, malheureusement, essaient de considérer cet épisode dans un sens littéral, de lui imposer une signification factuelle, disant : « Oui, il est bien connu qu'en Orient les serpents sont parfois très gentils avec les saints hommes, et qu'ils viennent et se tiennent auprès d'eux. C'est ce qui a dû se passer ». Mais nous ne pouvons pas accepter ce genre d'explication pseudo-historique. Nous sommes à un plan, à un niveau de signification entièrement différent. Dans le monde entier, nous l'avons vu, l'eau, ou la mer ou l'océan, représente l'inconscient. Et dans la mythologie indienne (hindoue, bouddhique ou jaïn) les nagas, c'est-à-dire les serpents, ou les dragons, vivent dans les profondeurs de l'océan. Les nagas représentent donc les forces dans les profondeurs de l'inconscient, dans leur aspect le plus positif et bénéfique ; et Mucalinda est le roi des nagas.

(La chute de la pluie, l'averse torrentielle après les sept semaines, représente un baptême, une aspersion. Dans le monde entier, verser de l'eau sur quelqu'un ou quelque chose représente l'investiture de cette personne ou de cet objet avec toutes les puissances de l'esprit inconscient. Tout comme dans le christianisme, il y a un baptême avec l'eau et avec le feu, une investiture avec les forces de l'inconscient et avec les forces de l'esprit.)

La pluie, nous l'avons vu, tombe à la fin de la septième semaine, et Mucalinda enroule sept fois ses anneaux autour du Bouddha assis. Cette répétition du chiffre sept n'est pas une coïncidence. Mucalinda représente aussi ce que les Tantras appellent le chandali, la force ardente, et ce que les hindous appellent la kundalini, la force-serpent, qui représente toutes les puissantes énergies psychiques jaillissant en quelqu'un, en particulier durant la méditation, par le nerf médian. Les sept anneaux, ou l'enroulement sept fois autour du Bouddha, représentent les sept centres psychiques au travers desquels passe la kundalini au cours de sa montée. La forme d'un beau jeune homme de seize ans que prend Mucalinda représente la nouvelle personnalité qui naît du fait de cette montée de la chandali, ou kundalini. Mucalinda, dans sa nouvelle forme, salue le Bouddha : ceci représente la soumission parfaite de toutes les puissances de l'inconscient à l'esprit Éveillé.

De tout cela, il est évident que ces quatre événements ont tous une profonde signification psychologique et spirituelle. Ils ne sont pas que pseudo-histoire, ils ne sont pas que des contes de fées, quoique même les contes de fées aient une signification, mais ils sont investis d'une profonde signification symbolique et archétypale.

Les quatre archétypes principaux.

En allant un peu plus loin, on peut dire que les quatre figures principales qui nous ont intéressés forment un ensemble bien déterminé : Mara le Malin, Vasundhar la Déesse Terre, Brahma, et Mucalinda, dans cet ordre - et l'ordre dans lequel ils apparaissent est assez intéressant. Je vais ici faire ce que certains penseront être une analogie audacieuse, mais je pense qu'elle a une grande signification et un grand pouvoir de suggestion. Il me semble que ces quatre figures sont dans une certaine mesure analogues aux quatre archétypes principaux de Jung, et que leur apparition dans cet ordre représente l'intégration de ceux-ci dans l'esprit conscient, représente, en d'autres termes et à un niveau plus élevé, ce que Jung appelle le processus d'individuation. Mara correspond à ce que Jung appelle l'ombre, cette face plus sombre de nous-même dont nous avons honte, que nous essayons généralement de réprimer. La Déesse Terre représente l'anima (le Bouddha, étant un homme, avait une anima ; dans le cas d'une femme il s'agirait d'un animus). Brahma représente l'archétype du vieil homme sage. L'art bouddhique le représente avec des cheveux blancs et une barbe : une sorte de Dieu-le-Père. Et Mucalinda est l'archétype du jeune héros.

Il y a aussi une correspondance avec les personnages principaux de la mythologie chrétienne : Mara correspond à Satan, la Déesse Terre à la Vierge Marie, Brahma à Dieu et Mucalinda au Christ. Je ne pense pas que ceci soit trop tiré par les cheveux. Si nous étudions ces choses avec attention, en les approfondissant, nous devrions voir cette analogie. Dans le bouddhisme tantrique se trouve un ensemble similaire : le gardien (parfois nommé le protecteur), la dakini, le gourou, et le yidam.

Quoique j'aie fait ces analogies, il y a une grande différence de principe entre les approches ou attitudes bouddhique et chrétienne envers les archétypes de leur tradition respective. Dans le bouddhisme, il est souvent dit de manière claire, voire catégorique, que toutes ces apparences, toutes ces formes archétypales sont de façon ultime des phénomènes de notre propre esprit véritable, ou des projections de notre propre inconscient, et qu'elles doivent toutes être intégrées. Mais dans le christianisme, les archétypes correspondants sont regardés comme des êtres objectivement existants. On ne peut pas réellement résoudre un archétype, dans le sens de l'incorporer, comme représentant des contenus inconscients, dans son esprit conscient, dans ses attitudes conscientes ou dans son nouveau soi, à moins que l'on ne réalise qu'en dernière analyse ce n'est pas quelque chose existant objectivement, mais quelque chose que l'on a projeté des profondeurs, d'une source cachée au fond de soi.

Du fait de cette limitation, il n'y a pas dans la tradition chrétienne (à l'exception possible de quelques mystiques hérétiques) de complète résolution de la figure archétypale, alors que dans le bouddhisme, du fait d'un contexte plus profondément métaphysique et spirituel, une telle résolution est possible. Dans le bouddhisme, tous les archétypes peuvent être dissous, peuvent être réclamés par notre propre attitude consciente et y être intégrés pour l'enrichir et la rendre plus parfaite, plus belle. En d'autres termes, le processus d'individuation peut être amené à sa conclusion absolue, l'Éveil.

Nous n'avons fait qu'effleurer quelques-uns des symboles archétypaux trouvés dans la biographie du Bouddha. J'aurais aimé en mentionner de nombreux autres, par exemple le bol à aumônes du Bouddha. Il y a beaucoup de légendes à son sujet, certaines d'entre-elles étant vraiment très intéressantes. En fait, nous pouvons dire, sans exagérer, qu'il occupe dans la légende et l'histoire bouddhiques une position analogue à celle du  Graal dans le christianisme, et qu'il a une signification très similaire.

Les archétypes, et j'en ai mentionné quelques-uns, n'ont pas qu'un intérêt historique ou littéraire : ils ne nous sont pas étrangers. Chacun d'entre eux est présent en nous tous - ou nous pouvons dire que nous sommes tous présents en eux. Nous les partageons, nous les avons tous en commun, ou bien ils nous partagent, ils nous ont tous en commun. Et, au cours de notre vie spirituelle, en particulier lorsque nous pratiquons la méditation, ces archétypes ont tendance à émerger dans la conscience, de diverses manières. Parfois, ils se montrent, au moins fugitivement, dans des rêves, pendant la méditation ou dans des rêves éveillés. Par exemple, nous devons tous rencontrer l'ombre. Comme je l'ai dit, c'est ce côté sombre, déplaisant de nous-même qui apparaît dans les rêves, par exemple sous la forme d'un féroce chien noir grondant et courant à nos talons en essayant de les mordre, et dont nous voulons nous débarrasser sans pouvoir le faire ; ou sous la forme d'un homme sombre, etc. Nous devons regarder l'ombre en face, l'accepter, assimiler même cette face sombre de nous-même, tout comme le Bouddha fit face à Mara et à ses troupes, et les vainquit. Et ici, tout comme dans le cas de Mara, la répression n'est pas la solution. L'ombre, ou le contenu représenté par l'ombre, doit être saturée de prise de conscience, et doit être résolue. Le Bouddha lui-même n'émit pas de flammes pour contrer les flammes émises par les troupes de Mara ; mais lorsque les flammes touchèrent son aura, elles furent simplement transformées en fleurs, transmutées. C'est aussi le genre de chose que nous devons faire avec notre propre ombre : la regarder, simplement, la reconnaître, l'accepter, puis la transformer et la transmuter en ce que la tradition tantrique appelle un gardien ou un protecteur. Nous aussi, nous devons appeler la déesse Terre, ce qui en termes psychanalytiques veut dire que nous devons regarder l'anima (dans le cas d'un homme) en face et nous en libérer, c'est-à-dire amener notre propre féminité inconsciente dans notre propre attitude consciente et l'y intégrer, tout comme une femme doit amener et intégrer sa masculinité inconsciente. Si cela est fait, il ne sera plus question de projeter ces contenus inconscients et non réalisés sur des membres du sexe opposé, et ce qui est parfois appelé le « problème » du sexe est ainsi résolu. Ceci est un aspect très important de la vie spirituelle.

Puis, nous devons tous apprendre du vieil homme sage. Parfois, il nous faut assez littéralement nous asseoir aux pieds d'un maître, ou au moins avoir une image idéale à laquelle nous devons allégeance. Puis, peut-être après de nombreuses années, nous devons incorporer en nous-même les qualités que cette figure représente : sagesse, connaissance, etc.

Puis, finalement, chacun d'entre-nous doit, en lui-même ou en elle-même, donner naissance au jeune héros, c'est-à-dire, en d'autres termes, créer le noyau d'un soi nouveau, d'un être nouveau ou, dans le langage bouddhique traditionnel, donner naissance en soi au bouddha ou à la nature-de-bouddha elle-même.

Si nous faisons face à notre propre ombre, si nous faisons appel à notre propre anima ou animus, si nous apprenons du vieil homme sage, et si nous donnons naissance en nous à notre propre jeune héros, alors nous accomplirons, nous récapitulerons en nous, dans notre propre vie, à tous les niveaux, dans tous les aspects, les symboles archétypaux qui apparaissent dans la biographie du Bouddha.

‘A Guide to the Buddhist path’ © Sangharakshita, Windhorse Publications 1990,
traduction © Ujumani 2003.

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  1. Qui est le Bouddha ?
  2. Symbolisme archétypal dans la biographie du Bouddha.
  3. Les cinq Bouddhas, masculins et féminins.
  4. Les cinq sagesses et les cinq Bouddhas.