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Nous pouvons dire brièvement que les membres de la Communauté Spirituelle sont des individus qui sont allés en Refuge. Ce sont des individus qui se sont engagés dans ce que l'on appelle « les Trois Joyaux ». Néanmoins, avant d'en dire plus sur les Trois Joyaux, je voudrais tout d'abord attirer votre attention sur le terme « individu ». Parce qu'elle est composée d'individus, la Communauté Spirituelle est composée de gens qui ont fait un choix individuel et pris une décision individuellement. Ils ont accepté la responsabilité de leur vie, et ont décidé qu'ils veulent se développer en tant qu'êtres humains, qu'ils veulent progresser. La Communauté Spirituelle n'est donc pas un groupe dans le sens commun du terme. Ce n'est pas quelque chose de collectif qui aurait un esprit ou une âme collective. Elle n'a pas d'identité collective dans laquelle vous perdez votre propre identité, ou dans laquelle vous êtes submergé. La Communauté Spirituelle est une association volontaire d'individus libres qui se sont mis ensemble parce qu'ils ont le même engagement vers un idéal commun : un engagement dans ce que nous appelons les Trois Joyaux.
Les Trois Joyaux sont tout d'abord l'Idéal de l'Éveil Humain, deuxièmement le Chemin de l' « Évolution Supérieure » - c'est-à-dire le chemin qui mène à des niveaux de conscience de plus en plus hauts, en partant de la conscience de soi-même et en allant jusqu'à la conscience absolue - et troisièmement, la Communauté Spirituelle elle-même. La Communauté Spirituelle est par conséquent formée de tous ceux qui, dans le but d'atteindre l'Éveil, se consacrent au développement d'états d'esprits favorables plutôt que défavorables. Au sens le plus haut, le troisième Joyau est ce que nous appelons la Communauté Transcendantale : c'est cette partie de la Communauté Spirituelle qui non seulement est allée en Refuge, non seulement à développé des états d'esprits favorables, non seulement à développé l'absorption, mais qui a développé la Vue Pénétrante : qui voit, tout au moins pour un instant, la Réalité en face. Les membres de cette communauté ont brisé les trois premières entraves, comme on les appelle, qui rattachent l'homme à l'existence conditionnée. Ils sont prêts à mourir, spirituellement parlant, afin de renaître spirituellement. Leur pratique du Chemin n'est pas seulement conventionnelle : elle engage tout leur être. Leur engagement est absolu, sans aucune restriction.
En langage bouddhique plus traditionnel, les Trois Joyaux sont connus sous le nom de Joyau du Bouddha, Joyau du Dharma, et Joyau du Sangha. On les appelle des Joyaux car, jusqu'à l'époque moderne, les joyaux étaient ce qu'il y avait de plus précieux parmi les choses matérielles. Les Trois Joyaux représentent donc, de la même manière, ce qu'il y a de plus précieux spirituellement, ce qui a le plus de valeur spirituellement et ce qui est le plus satisfaisant spirituellement. En bref, ils représentent les valeurs les plus hautes pour l'existence humaine.
En termes plus concrets, les membres de la Communauté Spirituelle sont tous ceux qui ont été « ordonnés » - pour utiliser provisoirement le terme français. Ils se sont dédiés aux Trois Joyaux non seulement mentalement, mais complètement et ouvertement, avec le corps et la parole aussi bien qu'avec l'esprit : ils se sont engagés avec tout leur être. De surcroît, cet engagement a été reconnu par les membres existants de la Communauté Spirituelle, en particulier par l'un des membres les plus anciens de cette Communauté. Ils se sont également engagés à observer certains préceptes moraux. Dans ce sens, les membres de la Communauté Spirituelle peuvent être vieux ou jeunes, homme ou femme, « éduqués » ou non. Ils peuvent vivre chez eux avec leur famille - c'est-à-dire vivre, du moins en apparence, dans le monde - ou ils peuvent être « allés de l'avant » au sens littéral. Ils peuvent être sœurs ou frères laïcs, ou ils peuvent être moines ou nonnes - pour utiliser des termes qui ne sont pas vraiment bouddhiques. Ils peuvent être à des niveaux d'avancement spirituels différents. Mais ils sont tous allés en Refuge, ils se sont tous engagés dans les Trois Joyaux, et ils sont donc tous, par conséquent, également membres de la Communauté Spirituelle.
On trouve la Communauté Spirituelle partout où des individus sont allés en Refuge. On la trouve en particulier lorsque ces individus sont en contact personnel, ou là où ils se rencontrent régulièrement. Il est évident que ce contact n'est pas simplement social : il est spirituel, on pourrait même dire existentiel. Lorsque des membres de la Communauté Spirituelle vivent sous le même toit, celle-ci devient une Communauté Spirituelle résidentielle. Les Communautés Spirituelle résidentielles peuvent être de différents sortes. Par exemple, elles peuvent être monastiques ou semi-monastique. (Je n'aime guère le terme de « monastique » qui n'est pas une expression très bouddhique, mais il ne semble pas y en avoir de meilleure en français). La communauté spirituelle résidentielle monastique (ou semi-monastique) peut être une communauté d'hommes ou une communauté de femmes. Dans les deux cas, les membres de cette communauté vivent ensemble dans les conditions comparativement idéales, souvent en un endroit retiré ou tranquille ; leur occupations principales sont l'étude, la méditation et un travail productif qui prend souvent la forme de « coopérative ».
Dans certaines parties du monde bouddhiste, la Communauté Spirituelle en est venue à s'identifier exclusivement avec la communauté monastique - même avec la communauté monastique dans un sens assez formel. C'est une grosse erreur. La Communauté Spirituelle est composée de tout ceux qui sont Allés en Refuge.
Tout d'abord, que font les membres de la communauté spirituelle pour eux-mêmes ? Avant tout, ils poursuivent tous leur pratique spirituelle individuelle : ils continuent à étudier, ils méditent, ils pratiquent les Moyens d'Existence Justes, ils observent les Préceptes.
Deuxièmement, un membre de la communauté spirituelle fait en sorte de se trouver en relation avec les autres sur une base purement spirituelle, ou au moins principalement spirituelle, c'est-à-dire sur la base d'un engagement spirituel commun envers un idéal spirituel commun. Je vais expliquer ce que cela signifie.
Nous rencontrons sans cesse des gens - à la maison, au bureau, dans la rue, au club, etc... Nous sommes en relation avec ces gens de différentes façons, mais habituellement sur la base de nos propres besoins. Ce sont parfois des besoins sexuels, parfois des besoins psychologiques ou émotionnels, parfois des besoins économiques ou sociaux - mais ce sont des besoins, et la relation est donc très souvent une relation d'exploitation (les besoins peuvent être réciproques, auquel cas c'est une relation d'exploitation réciproque). Très souvent, nous n'aimons pas admettre que nous entretenons des relations basées sur nos besoins ; nous n'aimons pas dire ce que nous voulons vraiment des autres - parfois nous n'en sommes pas entièrement conscient. Cela veut dire que trop souvent nos relations sont malhonnêtes ou, au mieux, confuses. Elles sont accompagnées d'un certain degré de malentendu et de rationalisation réciproques.
Dans la communauté spirituelle nous ne sommes pas en relation avec les autres de cette façon. Dans la communauté spirituelle nous voulons nous développer spirituellement, et d'autres veulent se développer spirituellement ; ils sont Allés en Refuge et nous sommes Allés en Refuge. Nous sommes donc en relation sur la base de notre engagement commun, de notre idéal commun, de ce qui nous importe tous le plus. Si nous sommes en relation avec les autres de cette façon, alors nous faisons l'expérience des autres d'une façon non habituelle : nous en faisons l'expérience en tant qu'êtres spirituels. Comme nous faisons l'expérience des autres en tant qu'êtres spirituels, nous faisons aussi l'expérience de nous-même en tant qu'être spirituel. Comme nous faisons chacun l'expérience de nous-même en tant qu'être spirituel, le rythme du développement spirituel s'accélère, et nous faisons de plus en plus réellement et intensément l'expérience de nous-même.
En des termes plus ordinaires, dans le contexte de la communauté spirituelle nous pouvons être nous-même, c'est-à-dire nous-même quand nous sommes le meilleur et le plus élevé. Très souvent, quand on parle d' « être soi-même », on veut dire soi-même à son pire ; on veut dire donner libre cours à cette partie de soi-même que l'on n'aime généralement pas reconnaître. Mais être soi-même peut vouloir dire donner libre cours à ce qu'il y a de meilleur en soi. Très souvent c'est le meilleur, plutôt que le pire, qui n'a pas l'occasion de s'exprimer. Dans le contexte de la communauté spirituelle nous pouvons être nous-même au meilleur, voire au pire si nécessaire, mais nous pouvons être complètement, entièrement, parfaitement nous-même.
Dans le contexte de la vie ordinaire c'est rarement possible, comme la plupart des gens ne le savent que trop bien. C'est rarement possible, même avec ceux qui nous sont les plus proches et les plus chers. Il peut s'agir de notre propre père ou mère, de notre propre mari ou femme, de notre propre ami, mais bien trop souvent, à certaines occasions, ou en liaison avec certains sujets, nous ne pouvons pas réellement être nous-même. Un grand nombre de gens traversent leur vie sans être capables d'être eux-mêmes, de manière complète et continue, avec n'importe qui, et ils trouvent donc difficile de ne jamais faire l'expérience d'eux-mêmes tels qu'ils sont.
Dans le contexte de la communauté spirituelle nous pouvons être nous-même, même avec de nombreuses personnes. Nous pouvons rencontrer cinq ou six personnes, dix ou douze personnes, et être toujours nous-même (en présence de quarante, cinquante, soixante personnes peut-être, tout le monde est toujours soi-même). Ceci est sans précédent dans l'expérience de la majorité des gens, mais c'est tout à fait possible dans la communauté spirituelle, parce que chacun y est en relation avec les autres sur la base de ce qu'il y a de meilleur et de plus élevé, en chacun et en tous.
Dans la communauté spirituelle vous faites donc l'expérience d'un grand soulagement et d'une grande joie. Il n'y a pas besoin de mettre en place une quelconque défense. Il n'y a aucun besoin de prétendre quoi que ce soit. Il n'y a pas besoin de malentendu. Vous pouvez être vous-même avec d'autres qui sont eux aussi eux-mêmes. Il y a une clarté complète entre les gens, sans même - dans les meilleurs des cas - la possibilité de malentendu. Dans une telle situation vous vous développez naturellement plus rapidement qu'il ne le serait autrement possible. En conséquence, vous faites beaucoup pour vous-même simplement en étant membre d'une communauté spirituelle - un membre actif, cependant (il n'y a réellement, bien sûr, aucune autre sorte de membre).
Que font les uns pour les autres les membres de la communauté spirituelle ? Ils s'entraident de toutes les manières possibles. Ils s'entraident spirituellement. Ils s'entraident aussi psychologiquement, économiquement, voire dans les affaires ordinaires de la vie quotidienne. Je vais mentionner deux manières de s'entraider qu'ont les membres de la communauté spirituelle, qui sont particulièrement pertinentes.
J'ai dit que dans la communauté spirituelle nous sommes en relation sur la base d'un engagement commun et d'un idéal commun. Ce n'est pas toujours facile. De nombreuses personnes se joignent à la communauté spirituelle. Il y a des gens venant d'horizons très différents, ayant différentes perspectives et différents tempéraments. Nous trouvons facile de nous entendre avec certains, plus difficile avec d'autres. Nous pouvons même découvrir, à notre plus grande horreur, que nous n'aimons pas certains membres de la communauté spirituelle. Que faisons-nous ? Nous ne voulons pas quitter la communauté spirituelle, et nous ne pouvons guère leur demander de la quitter. La seule chose que nous puissions faire est d'y travailler ensemble. Nous devons reconnaître que ce que nous avons en commun est beaucoup plus important que ce que nous n'avons pas en commun, et nous devons apprendre - douloureusement, même - à être en relation sur la base de ce que nous avons en commun. De cette façon, les membres de la communauté spirituelle s'aident à dépasser des antipathies et des limitations purement subjectives, et s'aident à être en relation sur la base de ce qui est commun et le plus élevé.
Répétons-le, la vie spirituelle n'est pas facile. Il n'est pas facile d'éradiquer des pensées défavorables et de développer des pensées favorables. Parfois, nous pouvons avoir envie de tout laisser tomber. Nous pouvons ressentir que c'est trop pour nous, que c'est trop aller à contre-courant, qu'il y a trop de difficultés. Nous pouvons avoir envie de quitter la communauté spirituelle. A de tels moments, les membres de la communauté spirituelle s'apportent mutuellement soutien, encouragement, inspiration. Peut-être la chose la plus importante qu'ils puissent faire est-elle celle-ci : se soutenir les uns les autres quand ils sont dans cette situation difficile et troublante, quand ils deviennent assez déprimés même, comme cela leur arrive parfois, au moins jusqu'à ce qu'ils aient fermement leurs pieds sur la voie. Quand vous traversez ce genre de crise, c'est d'un grand réconfort que d'avoir autour de vous des membres de la communauté spirituelle qui souhaitent sincèrement que vous alliez bien et qui désirent votre bien-être spirituel.
Finalement, que font les membres de la communauté spirituelle pour le monde ? Tout d'abord, je voudrais clarifier une chose. Les membres de la communauté spirituelle ne sont pas obligés de faire quoi que se soit pour le monde. Le mot clef, ici, est « obligés ». Quoi qu'ils fassent, ils le font très librement, car ils ont choisi de le faire. Ils le font même comme faisant partie de leur propre développement spirituel. Pour dire cela de façon légèrement différente, la communauté spirituelle n'a pas à justifier son existence au monde. Elle n'a pas à montrer qu'elle apporte des améliorations sociales ou économiques, ou qu'elle apporte son aide au gouvernement. Elle n'a pas à montrer que le monde en bénéficie dans un sens mondain.
En général, les membres de la communauté spirituelle font deux choses pour le monde. Tout d'abord, ils assurent l'existence de la communauté spirituelle elle-même. On pourrait dire que c'est une bonne chose pour le monde que la communauté spirituelle puisse simplement être là, qu'il y ait des gens qui se consacrent à la vie spirituelle, qui essaient de développer des états mentaux favorables. Cela est bien car cela aide à créer une atmosphère plus saine.
Deuxièmement, les membres de la communauté spirituelle aident le monde en construisant un pont entre le monde et la communauté spirituelle, ou au moins en aidant à franchir le gué. Un ou plusieurs d'entre eux s'installent quelque part et y animent diverses activités - telles que des cours de méditation, des retraites, des conférences, des cours de yoga - qui conduisent au développement d'états mentaux favorables et qui aident les gens à évoluer. Ils donnent à ceux qui viennent l'occasion d'une véritable communication, de véritables échanges. C'est ainsi que les membres de la Communauté Spirituelle, ou les individus qui sont dédiés à l'Idéal de l'Éveil Humain - dédiés à l'atteinte de niveaux de conscience élevés et de la vue pénétrante - aident les gens du monde à développer des pensées de plus en plus favorables, à croître en contentement, en amour et en compréhension, et à connaître d'eux-mêmes, la signification de la Communauté Spirituelle.
'Human Enlightenment' © Sangharakshita, Windhorse Publications 1980, traduction © Christian Richard 2003.