L'absorption, qui est le second niveau de méditation, est en général divisée en quatre niveaux au cours desquels l'unification verticale commencée au stade de la Concentration continue. Il faut noter qu'il n'est pas question ici d'unifier le conscient et l'inconscient puisque cela a déjà été fait. Ici l'esprit conscient, qui est déjà unifié et purifié va être lui-même intégré dans le supra conscient. Et les énergies de ce supra conscient - qui sont purement spirituelles - commencent à être exploitées. L'absorption représente par conséquent l'unification de l'esprit et des niveaux de conscience de l'être à des niveaux de plus en plus élevés. Au fur et à mesure que ce procédé continue, nos états mentaux et nos fonctions mentales les plus grossiers sont raffinés progressivement et nos énergies sont absorbées à des niveaux plus élevés et dans des fonctions supérieures.
Dans ce que nous appelons le premier niveau d'absorption, il y a une certaine quantité d'activité mentale. Nous pensons encore à une chose ou à une autre, nous avons peut-être des pensées mondaines subtiles, nous pensons peut-être même à notre pratique méditative. A partir du second niveau d'absorption, ce genre d'activité mentale est complètement absent. La pensée telle que nous la connaissons disparaît totalement. On pourrait croire que, parce que nous ne pensons pas, nous allons devenir morts et inertes, mais ce serait une profonde erreur. Nous pourrions même dire que, parce que nous ne pensons pas, la conscience devient plus claire, plus brillante, plus intense, plus rayonnante que jamais. Étant donné que la pensée n'est plus présente au deuxième niveau et au-delà, il est important de ne pas trop penser à ces niveaux d'absorption, et, encore mieux, de ne pas y penser du tout. Au lieu de cela nous devrions tenter de sentir ce à quoi ils ressemblent, en ne procédant pas de manière analytique ou intellectuelle, mais avec l'aide d'images, de symboles et de paraboles. Nous ne saurions mieux faire que de nous appuyer sur les quatre paraboles traditionnelles qui correspondent aux quatre stades d'absorption, et qui remontent à l'enseignement du Bouddha .
L'idée associée au premier degré d'absorption est celle de la poudre de savon et de l'eau. Le Bouddha nous demande d'imaginer un assistant aux bains prenant un peu de poudre de savon dans une main (indiquant ainsi que les Indiens de l'époque utilisaient de la poudre de savon ! ) et un peu d'eau pure dans l'autre. Il mélange les deux dans une écuelle de telle sorte que toute l'eau soit absorbée par la poudre de savon, et que toute la poudre de savon soit complètement saturée d'eau. Il ne reste pas un seul grain de poudre qui ne soit pas saturé et pas une goutte d'eau qui ne soit pas utilisée. Le Bouddha nous dit que le premier stade d'absorption est exactement pareil : à ce niveau tout l'organisme psychophysique est saturé par un sentiment fait de félicité, d'extase, de bonheur suprême mais ces sentiments sont contenus. En même temps, tout l'être est saturé - aucune partie de l'être physique ou mental reste non saturée et en même temps rien ne reste dehors. Il n'y a donc pas d'inégalité, pas de déséquilibre. Tout est calme, ferme, stable et solide. Tout est concentré naturellement.
Lorsqu'il décrit le second degré d'absorption, le Bouddha demande d'imaginer un grand lac plein d'une eau très pure et très calme. Ce lac est alimenté par une source souterraine d'eau pure à partir des profondeurs insondables. Le second degré d'absorption est pareil : il est calme, clair, paisible, pur, translucide, mais, de plus profond encore, sourd quelque chose d'encore plus pur, encore plus brillant, encore plus merveilleux. Ce « quelque chose » est l'élément spirituel supérieur, la conscience supérieure qui, en quelque sorte, nous infiltre et nous inspire.
D'après le Bouddha, le troisième niveau d'absorption est comme le même lac, la même étendue d'eau, mais dans laquelle poussent des fleurs de lotus. Ces fleurs de lotus poussent dans l'eau, elles y trempent et en sont imbibées. On pourrait dire qu'elles se délectent de cette eau. De même, dans le troisième niveau d'absorption, nous sommes pour ainsi dire baignés dans cet élément spirituel supérieur, dans cette conscience spirituelle supérieure, baignés dedans, trempés dedans, imbibés et entourés par cet élément.
Pour le quatrième et dernier niveau d'absorption, le Bouddha nous demande d'imaginer un homme qui, par un jour de très grande chaleur, prend son bain dans un beau réservoir d'eau. Après s'être lavé, il en sort et enveloppe tout son corps dans un beau drap neuf et propre, d'un blanc éclatant (ce que les Indiens appellent un dhoti) de manière à en être complètement recouvert. Le Bouddha nous dit que le quatrième niveau d'absorption est ainsi : cette conscience spirituelle supérieure nous isole du contact et de l'influence des niveaux inférieurs. C'est comme si nous étions entourés d'une auréole puissante. Ce n'est pas tant que nous nous soyons immergés d'une auréole, mais plutôt que cet état soit descendu en nous, nous ait imbibé. De surcroît cet état nous irradie de telle manière qu'une espèce d'aura de méditation émane de nous et s'étend dans toutes les directions. Lorsque nous sommes ainsi, nous ne pouvons pas aisément être influencés ou affectés, bien que nous puissions aisément influencer ou affecter d'autres gens.
Voici donc les quatre niveaux d'absorption. Si nous voulons nous les rappeler, les sentir, nous devrions peut être juste nous souvenir des belles paroles que le Bouddha donna en illustration. Ayant traversé, du moins en imagination, ces quatre niveaux d'absorption, nous pouvons maintenant aborder le troisième et dernier stade de la méditation.
© 'Human Enlightenment' Sangharakshita, Windhorse Publications 1980, traduction © Christian Richard 2003.