Le 25 décembre 1955, nous nous rencontrâmes non pas à Dadar mais dans le quartier du Fort de Bombay, dans le bureau du Dr Ambedkar au dernier étage de Bouddha Bhavan, un des bâtiments du Collège Siddarth des Arts et Sciences. En apparence il avait beaucoup changé. Lors de notre première rencontre ses manières avaient été belligérantes et son expression sévère et humiliante, et bien qu'enclin à la corpulence il avait semblé être en bonne santé. Cette fois-ci, trois ans plus tard, il était plus calme et plus contenu, et si perclus d'arthrose que, comme il me l'expliqua en s'excusant de me recevoir assis, il ne pouvait se tenir debout qu'avec difficulté. Mais bien que plus calme et plus contenu il avait semblait-il décidé que ses partisans et lui devaient devenir bouddhistes, et il était à ce moment même en train de dresser des plans pour le renouveau du bouddhisme en Inde. Il m'expliqua assez longuement ces plans, ajoutant avec une émotion évidente qu'il avait décidé de consacrer le reste de sa vie au bouddhisme.
Mme Ambedkar, qui était debout près de lui tandis qu'il était assis à son bureau, semblait soutenir ses plans et intervenait de temps en temps pour renforcer un point ou un autre, en particulier quand son énergie baissait. Pour ma part j'expliquai, en réponse aux questions du Dr Ambedkar, que la conversion formelle au bouddhisme consistait à « aller en refuge » dans les Trois Joyaux, c'est-à-dire le Bouddha, le Dharma et la Sangha, et à entreprendre d'observer les cinq principes de base de comportement éthique. On pouvait « prendre » les Refuges et les Préceptes de n'importe quel moine ou bouddhiste pratiquant depuis longtemps. Lui et ses disciples feraient cependant bien de les prendre de quelqu'un comme U Chandramani de Kusinara, qui était probablement le moine le plus ancien en Inde, plutôt que d'un jeune moine comme moi-même, car le monde bouddhiste prendrait probablement ainsi leur conversion plus au sérieux (Ambedkar m'avait demandé si je voulais bien conduire la cérémonie de conversion pour eux).
Avant de nous quitter, le leader des hors-castes me demanda de lui écrire en récapitulant ce que j'avais dit au sujet de la conversion. Il me demanda aussi d'expliquer à ses partisans ce que signifiait réellement la conversion au bouddhisme. J'acceptai ses demandes, et il me promit de demander à ses aides présents dans la ville d'organiser pour moi un discours.
‘In the sign of the Golden Wheel’ © Sangharakshita, Windhorse Publications 1996, traduction © Christian Richard 2007.