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La vue de la personnalité est là lorsque l'on accepte sa personnalité comme quelque chose de fixe, non changeant et ultime. Cela revient à refuser l'acceptation d'un changement ou d'un progrès. On refuse que le « moi » puisse se consumer et renaître. C'est la négation de l'évolution supérieure.
Il y a quatre niveaux de développement de l'individualité :
Le niveau de non-individualité ; il n'y a pas d'individualité, juste l'existence.
Le niveau de l'individualité humaine.
Le niveau de la véritable individualité, de la « personne autonome ».
Le niveau de l'individualité transcendantale : l'Éveil.
La plupart des gens développent seulement l'individualité humaine. Ils n'atteignent pas même la véritable individualité ; cela ne pourra venir qu'avec l'émergence de la prise de conscience.
On peut dire beaucoup de ces quatre niveaux d'individualité, mais cela exigerait une conférence entière… Il convient simplement de retenir que l'idée fausse est de dire que la personnalité est fixe, définitive, et qu'elle ne peut se développer.
Il ne s'agit pas du doute au sens intellectuel ; il s'agit de la réticence ou du manque de volonté à s'engager : se retenir même quand il n'y a aucune raison de le faire, ou même quand on ne voit pas de bonne raison de le faire. Beaucoup de gens s'intéressent au bouddhisme, viennent aux cours, aux conférences, mais ne s'investissent pas, ne se jettent pas à l'eau. Au mieux, ils mettent le bout du pied dans l'eau pour voir si elle est froide, puis ils le retirent. Ou même s'ils s'y aventurent, ils gardent un pied fermement ancré sur le rivage pour ne pas risquer d'être emportés. Peut-être pour avoir le meilleur des deux mondes…, ou par peur, le plus souvent aussi. Ils sont d'accord avec tout ce que l'on dit, mais ne vont pas réellement l'accepter ou le mettre en pratique. C'est parce qu'ils sont fermement attachés à la deuxième entrave, celle du doute sceptique ou de l'indécision.
C'est l'attachement aux règles morales et aux pratiques religieuses qui constitue l'entrave : les règles morales en elles-mêmes n'ont rien à y voir, quelles qu'elles soient. C'est l'attachement à ces règles qui est le problème. C'est les traiter comme des fins en elles-même et non comme un moyen. Il nous faut faire attention à cette entrave-là, même dans le cadre de notre pratique : ne continue-t-on pas à faire quelque chose non pas parce que c'est toujours utile au groupe ou à nous-même dans notre vie spirituelle, mais simplement parce que c'est quelque chose que l'on a toujours fait ?
Arrêtons-nous là avec les entraves, même si ce fut bref. En brisant les trois entraves, on arrive au point de non-retour. L'Éveil semble un but lointain à atteindre, mais le point de non-retour est une possibilité envisageable dans le cadre de notre vie actuelle. Et une fois que l'on y est, l'amélioration sans régression est assurée. On ne peut ensuite que s'élever plus haut, s'élever plus haut dans l'échelle de l'évolution et dans notre chemin spirituel. On se rapprochera de l'inconditionné, on en aura des visions, à travers tous les voiles et les obscurcissements du conditionné. On peut dire que lorsque l'on a atteint ces niveaux, ces hauteurs, alors le monde lui-même, qui fut un voile et un obscurcissement, devient de plus en plus magnifique et resplendissant.
‘The Higher Evolution’ © Sangharakshita, 1969, traduction © Centre Bouddhiste Triratna, 2002.