Primo, la moralité. Il n'existe rien de tel dans le bouddhisme, incidemment... Ce terme est l'équivalent de ce que traditionnellement l'on appelle action habile et favorable. Les bouddhistes orientaux ne parlent pas de moralité, ils parlent d'action habile et favorable. Les actions habiles et favorables sont les actions qui résultent de ce que l'on appelle des états d'esprit positifs : des états d'esprit libérés des formes grossières d'avidité, d'aversion, d'ignorance, et qui par conséquent ne font de mal ni à soi-même ni aux autres, voire, au contraire, peuvent être bénéfiques. La moralité, dans ce sens, est essentielle dans le bouddhisme. C'est fondamental. Mais en même temps, on considère sa valeur comme strictement limitée. La moralité, dans ce sens, prépare le chemin pour l'expérience de la seconde grande étape, celle de la méditation.
Mais le bouddhisme insiste lourdement sur le fait que la moralité par elle-même, l'action habile et favorable par elle-même ne peut nous mener directement à l'expérience, à la réalisation de l'inconditionné. La moralité, dans son sens bouddhique, est similaire à la rampe de lancement d'une fusée. Une fusée ne peut être lancée sans sa rampe de lancement ; mais une fois la fusée dans les airs, sa rampe de lancement reste à terre, elle ne part pas dans les étoiles. Donc la moralité, l'action habile et favorable, dans le bouddhisme, n'est pas identique à la vie spirituelle. La moralité est considérée comme une partie de la vie spirituelle, comme un moyen d'accéder à une fin, la fin immédiate étant la méditation, et la fin ultime étant la sagesse, voire la réalisation de l'inconditionné. Et incidemment, je dois mentionner aussi que le bouddhisme fait la distinction entre moralité naturelle et moralité conventionnelle.
La première, la moralité naturelle, est celle qui possède une fondation psychologique qui consiste en des actions expressives d'états mentaux habiles et favorables.
La seconde, la moralité conventionnelle, est simplement une émanation de la coutume, de l'opinion, très souvent très locale, et n'a pas de signification morale réelle.
Par moralité, dans le sens bouddhique de première étape de la voie spirituelle, l'on ne fait pas référence à la moralité conventionnelle mais bien à la moralité naturelle. La moralité, dans cette optique, la moralité en tant qu'action habile et favorable, correspond au segment blanc, la moitié blanche du second cercle de la roue de la vie. Ce segment blanc mène vers le haut, mène à la périphérie du cercle, à la périphérie du champ gravitationnel du conditionné. Mais ce segment blanc lui-même est encore à l'intérieur de ce champ gravitationnel, faisant partie intégrante de ce champ.
‘The Higher Evolution’ © Sangharakshita, 1969, traduction © Centre Bouddhiste Triratna, 2002.