En un mot, cette méthode de développement personnel est la méditation bouddhiste. Nous avons vu que le développement humain est essentiellement un changement de niveau de conscience, un passage d'un niveau de conscience moins élevé à un niveau de conscience plus élevé, et la méditation bouddhiste nous aide à réaliser la transition entre un niveau de conscience moins élevé et un niveau de conscience plus élevé. C'est pour cette raison que le mot « méditation » a une double signification. Premièrement, il signifie le niveau de conscience le plus élevé que l'on puisse atteindre et, deuxièmement, il signifie la ou les méthodes qui mènent à la réalisation de ce niveau, ou de cet état de conscience supérieur. Non pas que la méditation soit la seule méthode de développement : il y en a d'autres. Il y a l'observance éthique, la vie éthique, des rituels symboliques comme ceux que l'on trouve dans le tantra, diverses sortes de pratiques de dévotion. Il y a le service social. On pourrait même y inclure la pratique des arts et de l'artisanat. Toutes ces méthodes agissent sur l'esprit et ont un effet sur le niveau de conscience. Elles n'agissent cependant qu'indirectement, à travers le corps physique et les sens, alors que la méditation agit directement sur la conscience. C'est pourquoi nous considérons la méditation comme étant la méthode première de développement personnel.
Nous parlons d'états de conscience plus ou moins élevés, mais comment savoir en fait lesquels sont lesquels ? Lesquels sont plus élevés, lesquels sont moins élevés ? De quelle façon la conscience méditative diffère-t-elle de la conscience ordinaire ? Ces deux niveaux de conscience diffèrent de plusieurs manières. Premièrement, la conscience méditative est moins dépendante des sens physiques. La plupart du temps, la conscience humaine ordinaire est une conscience orientée vers les sens : des impressions sensorielles nous arrivent à tout moment. Même assis ici, nous recevons des impressions sensorielles à travers l'œil, l'oreille, le toucher, l'odorat, le goût même. Ces impressions nous arrivent à tout instant et donnent naissance à différentes sensations, différents sentiments, qui préoccupent et colorent la conscience - l'esprit -, et nous ne réalisons pas d'ordinaire à quel point notre esprit est préoccupé par des pensées, des impressions, des sensations qui ont pour origine le monde des sens, qui nous viennent à travers les cinq sens physiques. Dans la conscience méditative, en revanche, cela n'arrive pas. Les impressions sensorielles sont présentes mais l'esprit ne réagit pas. Ces impressions reculent, si l'on veut, jusqu'à la périphérie de la conscience, et en méditation profonde elles peuvent disparaître complètement. En méditation profonde, la conscience est absorbée dans l'objet de concentration, dans l'expérience actuelle du niveau de conscience plus élevé, et la conscience du monde des objets des sens se retire considérablement jusqu'à n'être plus perçue que de manière très faible ou, dans des états très profonds de méditation, jusqu'à ne plus être perçue du tout.
Cela nous mène à la seconde distinction entre la conscience inférieure et la conscience supérieure : la conscience supérieure est simplement plus concentrée. La concentration, ici, n'est pas une fixation forcée de l'attention, mais plutôt un rassemblement naturel de toutes nos énergies. D'habitude, nos énergies sont divisées, elles sont en conflit ; parfois, une partie, une grande partie même de notre énergie ne nous est pas accessible. C'est pourquoi, très souvent, on ne peut pas faire grand chose, on n'a pas beaucoup d'énergie, elle est bloquée, étouffée, réprimée. Mais en méditation, surtout quand on a pratiqué la méditation avec un certain succès, ces énergies qui sont bloquées, étouffées et réprimées sont libérées très naturellement et spontanément, et sont doucement menées ou guidées dans la même direction. L'état de conscience supérieur est un état plus unifié, une expérience plus unifiée. Il n'y a ni conflit, ni division, et par conséquent on fait l'expérience d'un plus grand accès d'énergie. L'énergie s'élève en nous : ce n'est pas une énergie seulement physique, bien que la vitalité physique puisse se trouver renforcée. Il s'agit plutôt d'une énergie psychique, voire émotionnelle, qui est libérée au cours de la pratique de la méditation. Cette expérience de libération d'énergie est intensément agréable, et l'état de conscience supérieure est donc un état de bonheur, de réjouissance, de joie, d'extase, voire de félicité. Autrement dit, c'est un état de positivité émotionnelle intense dont on ne fait que rarement, sinon jamais, l'expérience par ailleurs.
On remarque alors un fait étrange, très intéressant, qui est que lorsque l'on est heureux, vraiment heureux, on a tendance à ne pas penser, du moins à ne pas penser inutilement. On peut dire qu'une grande partie de nos pensées est inutile, qu'une grande partie de nos pensées est simplement basée sur l'anxiété - et dans l'état de conscience supérieur, méditatif, il n'y a pas de pensée. Du moment où l'on pense, on ne médite pas, du moins pas très sérieusement. Quand je dis que dans l'état de conscience supérieur méditatif il n'y a pas de pensée car c'est un état très heureux, un état de félicité, je ne veux bien sûr pas dire qu'il n'y a pas de conscience. D'ailleurs, avec l'absence de pensée, de pensée discursive, la conscience est plus claire, plus brillante et plus forte que jamais.
Voilà donc quelques-unes des différences entre la conscience méditative, le niveau de conscience dont on fait l'expérience en méditation, et la conscience humaine ordinaire. La conscience méditative dépend moins des sens physiques, elle est plus concentrée, plus unifiée, plus vivante ; c'est un état de plus grande félicité, sans pensée discursive.
'A method of personal development' © Sangharakshita, Windhorse Publications 1976, traduction © Dhatvisvari 2003.