Troisièmement, donc, l'étape de saturation. La meilleure façon de la décrire est de la mettre en contraste avec l'étape précédente. Dans l'étape d'inspiration, il y a deux choses : d'un côté il y a l'état d'unification horizontale et verticale qui se poursuit depuis l'étape d'unification. De l'autre côté, il y a un niveau de conscience plus élevé qui afflue vers un niveau moins élevé, que cela vienne des profondeurs ou des hauteurs, et c'est cet afflux qui est ressenti comme inspiration. Pendant que cet afflux continue, la conscience supérieure (ce que l'afflux représente) pénètre petit à petit dans la conscience inférieure, jusqu'à, finalement, l'imprégner complètement. Elle en assimile toutes les énergies, et c'est pourquoi cette étape est celle de saturation. L'inspiration prend le dessus et s'infiltre complètement dans ce qui était, par comparaison, un niveau de conscience inférieur. Non seulement le niveau de conscience plus élevé est-il ressenti comme saturant le niveau moins élevé ; il est aussi ressenti comme saturant le monde extérieur. Cette étape, ce niveau de conscience plus élevé est ressenti non seulement en nous, nous remplissant complètement, mais aussi à l'extérieur, remplissant complètement le monde. Cet état est en nous, mais nous sommes aussi en lui. C'est comme si nous étions complètement saturé par l'eau et en même temps nagions dedans, ou bien comme si nous étions un ballon flottant en l'air - vide, creux, plein d'air et en même temps flottant en l'air, entouré d'air. Il y a le même élément, la même conscience, le même état de conscience plus élevée à l'intérieur et à l'extérieur de nous, et entre les deux il n'y qu'une fine membrane transparente, qui est nous-même, notre propre sensation de « moi ».
Quatrièmement et dernièrement, l'étape de radiation. Il y a une grande différence entre cette étape-ci et les trois étapes précédentes. Les trois premières étapes se contiennent en elles-mêmes, elles représentent l'esprit qui fait l'expérience de lui-même. L'esprit est tourné vers lui-même, concerné avant tout par ses propres états internes, par sa propre expérience. Mais ici, dans l'étape de radiation, l'esprit est tourné vers l'extérieur. Ici, l'esprit n'est pas touché ou influencé par le monde : c'est lui qui influence le monde, qui agit même sur le monde. Ce que j'appelle « le monde », c'est ce qu'on peut appeler le monde de la « réalité extérieure », le monde des choses externes, des personnes et des événements. Dans cette étape de radiation, la conscience a donc atteint un degré d'intensité très élevé. Elle est très unifiée, très positive, très forte, et est entourée, si l'on peut dire, d'une grande aura qui la protège d'influences extérieures. En même temps, cette aura agit comme le moyen d'influencer le monde extérieur. Cela ressemble un peu à une grande ampoule électrique : le verre de l'ampoule protège le filament, et en même temps la lumière est transmise à tout l'espace environnant. L'ampoule irradie la lumière. Traditionnellement, on dit que cette quatrième étape sert de base au développement de ce que l'on appelle les « pouvoirs psychiques », les pouvoirs qui dépassent l'ordinaire, et cela nous donne un indice quant à la nature de cette étape. Le mot signifiant « pouvoirs psychiques » est iddhi ou riddhi, et c'est un mot intéressant qui avait à l'origine une signification générale très large. On parlait par exemple de l'iddhi ou du riddhi du roi, de celui qui gouverne. Cela ne voulait pas dire que le roi avait des pouvoirs psychiques hors de l'ordinaire, mais simplement qu'il possédait une certaine puissance, ce qui est la traduction littérale du mot. Le roi, après tout, était le roi, et autrefois le roi avait pouvoir de vie ou de mort : où qu'il ait été, il avait un très grand effet sur son entourage. Et il en est de même pour l'étape de radiation. Notre état de conscience est si puissant que, même sans être touché nous même, nous pouvons avoir un effet sur les autres. Nous pouvons produire des effets qui semblent miraculeux ; nous pouvons donner de la force à ceux qui sont faibles, nous pouvons surmonter la haine par l'amour, nous pouvons, d'une certaine façon, redonner la vie aux morts, ou réveiller ceux qui sont endormis. Mais, comme le dit le proverbe indien, on peut réveiller ceux qui dorment mais on ne peut pas réveiller ceux qui font semblant de dormir !
Voilà donc les quatre dhyânas, quatre niveaux de conscience successivement plus élevés dans la méditation : les étapes d'intégration, d'inspiration, de saturation et de radiation. Il est temps maintenant de nous demander rapidement comment les atteindre.
'A method of personal development' © Sangharakshita, Windhorse Publications 1976, traduction © Dhatvisvari 2003.