Cette pratique du metta bhavana, du développement de la bienveillance universelle, n'est cependant pas une pratique isolée. Elle fait partie d'une série de quatre pratiques connues sous le nom des quatre états incommensurables (les quatre brahma viharas) ou quatre états illimités, parce que l'on essaye de développer l'émotion appropriée sans aucune limite. Les trois autres pratiques sont le développement de la compassion, de la joie sympathique, et de l'équanimité. Ces émotions ne sont pas séparées de la metta : la metta est la base de toutes. Lorsque nous rencontrons la souffrance - ou lorsque notre metta rencontre la souffrance -, nous ressentons de la compassion. Lorsque notre bienveillance rencontre la joie des autres, il y a une réponse de joie sympathique. Et quand la metta, la bienveillance et la joie sympathique sont développés également envers tous, alors apparaît un état d'équanimité. Cette équanimité n'est pas l'indifférence : il n'y a pas d'équanimité sans bienveillance.
On pourrait aussi ajouter à ces quatre états la révérence ou la dévotion, que l'on ressent lorsque la metta, la bienveillance, est dirigée vers l'idéal spirituel. Ces cinq états de bienveillance, de compassion, de joie sympathique, d'équanimité ou de paix et de dévotion sont les émotions positives principales dont le développement est considéré comme très important par le bouddhisme. Elles occupent en fait une place centrale dans la vie spirituelle et lorsqu'elles sont pleinement développées, elles constituent ce que techniquement l'on nomme « la libération du cœur ». Aujourd'hui, à la fin du XXème siècle, le développement de l'émotion positive a plus d'importance que jamais. Sans émotion positive, il n'y a pas de vie spirituelle. Beaucoup de personnes, en Occident, ne s'en rendent malheureusement pas compte. Elles pensent que la religion est morne et triste, ce qui est peut-être le cas, mais ce n'est certainement pas le cas du bouddhisme, du Dharma, ni du développement personnel. J'irai même jusqu'à dire, basé sur mes années d'expérience avec la Communauté bouddhiste Triratna et sur les personnes qui y sont venues pendant ce temps, que sans de fortes émotions positives, aucun progrès spirituel n'est possible. Sans émotions positives bien développées, aucun progrès spirituel n'est possible. Cela veut donc dire que le devoir de beaucoup de personnes envers elles-mêmes et envers les autres est simplement d'être heureux, de développer la bienveillance, la compassion, la joie sympathique, l'équanimité, la révérence et la dévotion.
Au début, quand je suis revenu en Angleterre après vingt ans passés en Orient, j'ai constaté qu'il n'y avait pas beaucoup d'émotion spirituelle dans les milieux bouddhistes de ce pays. Je me souviens de ma première rencontre de Vésak - la plus grande fête bouddhique de l'année - après mon retour d'Inde. En regardant les gens dans la salle, je ne pouvais m'empêcher de remarquer, de voir et de sentir que tout le monde avait l'air morne et triste, et au cours de ma présentation j'en ai fait la remarque, disant : « Nous nous sommes réunis aujourd'hui pour célébrer Vésak, l'Éveil du Bouddha, mais vous n'avez pas l'air très réjouis ! C'est comme si vous regrettiez que le Bouddha ait atteint l'Éveil, plutôt que de vous réjouir pour cette commémoration ! » Quelques personnes ont rit, très faiblement. C'était ma première expérience après mon retour dans ce pays, et je ne l'ai jamais oubliée. Aujourd'hui, cependant, les choses se sont considérablement améliorées.
'A method of personal development' © Sangharakshita, Windhorse Publications 1976, traduction © Dhatvisvari 2003.