Et pourquoi ? Ce que le Tathagata a enseigné comme étant la sagesse qui est allée au-delà, Il l'a enseigné comme n'étant pas allée au-delà. C'est pourquoi elle est appelée « la Sagesse qui est allée au-delà ». Penses-tu, Subhuti, qu'il y ait un dharma que le Tathagata ait enseigné ? Subhuti répondit : Non, bien sûr, Ô Seigneur, il n'y en a pas. Le Seigneur dit : Quand, Subhuti, tu considères le nombre de particules de poussière dans ce système de mondes fait de mille millions de mondes, y en a-t-il beaucoup ? Subhuti répondit : Oui, Ô Seigneur. Car ce qui a été enseigné comme étant des particules de poussière par le Tathagata, cela a été enseigné comme étant des non-particules par le Tathagata. Elles sont donc appelées « particules de poussière ». Et ce système de mondes a été enseigné par le Tathagata comme étant un non-système. Il est donc appelé « système de mondes ». Le Seigneur demanda : Penses-tu, Subhuti, que le Tathagata puisse être vu au moyen des trente-deux marques du surhomme ? Subhuti répondit : Non, bien sûr, Ô Seigneur. Et pourquoi ? Parce que ces trente-deux marques du surhomme qui ont été enseignées par le Tathagata sont réellement des non-marques. Elles sont donc appelées les « trente-deux marques du surhomme ».
Le Seigneur dit : Et de plus, Subhuti, suppose qu'une femme ou un homme renonce à toutes ses possessions autant de fois qu'il y a de grains de sable dans le Gange, et suppose que quelqu'un d'autre, après avoir pris de ce discours sur le Dharma une seule strophe de quatre lignes, l'explique à d'autres. Alors, ce dernier, en vertu de ceci, engendrerait une masse de mérite encore plus grande, immense et incalculable
14. Sur ce, l'impact du Dharma émut le Vénérable Subhuti jusqu'aux larmes. Ayant séché ses larmes, il parla ainsi au Seigneur : « Il est merveilleux, Ô Seigneur, il est infiniment merveilleux, Ô Bien-Allé, comment le Tathagata a bien enseigné ce discours sur le Dharma. Par ce dernier, la cognition a été produite en moi. Je n'ai jamais auparavant entendu de tel discours sur le Dharma. Très merveilleusement heureux seront ceux qui, lorsque ce sûtra sera enseigné, produiront une vraie perception. Et ce qui est une vraie perception est en fait une non-perception. Le Tathagata enseigne donc « vraie perception, vraie perception ». Il ne m'est pas difficile d'accepter et de croire ce discours sur le Dharma lorsqu'il est enseigné. Mais les êtres qui existeront dans le futur, aux derniers temps, à la dernière époque, dans les cinq cents dernières années, au moment de l'effondrement de la bonne doctrine, et qui, Ô Seigneur, comprendront ce discours sur le Dharma, le garderont à l'esprit, le réciteront, l'étudieront et l'éclaireront à d'autres dans tous ses détails, ces êtres seront très merveilleusement heureux. En eux, cependant, il n'y aura pas de perception d'un soi, ou d'un être, ou d'une âme, ou d'une personne. Et pourquoi ? Ce qui, Ô Seigneur, est perception de soi, ceci est en fait une non-perception. Ce qui est perception d'un être, d'une âme ou d'une personne, ceci est en fait une non-perception. Et pourquoi ? Parce que les Bouddhas, les Seigneurs, ont laissé toute perception derrière eux.
Le Seigneur dit : C'est ainsi, Subhuti. Très merveilleusement heureux seront les êtres qui, en entendant ce sûtra, ne trembleront pas, n'auront pas peur, ne ressentiront aucune terreur. Et pourquoi ? Le Tathagata a enseigné ceci comme étant la plus haute perfection. Et ce que le Tathagata enseigne comme étant la plus haute perfection, est aussi enseigné par les innombrables Bouddhas Bienheureux. C'est donc appelé « la plus haute perfection ».
De plus, Subhuti, la perfection de la patience du Tathagata est réellement une non-perfection. Et pourquoi ? Parce que, Subhuti , quand le roi de Kalinga a coupé la chair de tous mes membres, à ce moment-là je n'avais pas de perception d'un moi, d'un être, d'une âme ou d'une personne. Et pourquoi ? Si, Subhuti, à ce moment-là j'avais eu la perception d'un moi, j'aurais aussi, à ce moment-là, eu une perception de malveillance. De même, si j'avais eu la perception d'un être, ou d'une âme, ou d'une personne. A l'aide de ma super-connaissance, je me souviens d'avoir, dans le passé, pendant cinq cents vies, mené la vie d'un sage dévoué à la patience. Je n'avais pas non plus alors de perception d'un moi, d'un être, d'une âme ou d'une personne.
Alors, donc, Subhuti, l'être de Bodhi, le grand être, après s'être débarrassé de toute perception, doit élever ses pensées vers l'éveil le plus grand, juste et parfait. Il doit produire une pensée qui n'est pas supportée par des formes, des sons, des odeurs, des goûts, des tangibles ou des objets de l'esprit, qui n'est pas supportée par un dharma, qui n'est pas supportée par un non-dharma, qui n'est pas supportée par quoi que ce soit. Et pourquoi ? Tous les supports n'ont en réalité pas de support. C'est pour cette raison que le Tathagata enseigne ceci : un don doit être donné par un Bodhisattva non supporté, et non par quelqu'un qui est supporté par des formes, des sons, des odeurs, des goûts, des tangibles ou des objets de l'esprit.
Et de plus, Subhuti, c'est pour le bonheur de tous les êtres qu'un Bodhisattva doit donner des dons de cette manière. Et pourquoi ? Cette perception d'un être, Subhuti, n'est qu'une non-perception. « Tous les êtres » dont a parlé le Tathagata sont en fait des non-êtres. Et pourquoi ? Parce que le Tathagata parle en accord avec la réalité, parce qu'il dit la vérité, parce qu'il parle de ce qui est, et pas autrement. Un Tathagata ne parle pas faussement.
Mais néanmoins, Subhuti, en ce qui concerne le dharma que le Tathagata a entièrement connu et expliqué, il n'y a de ce fait ni vérité ni mensonge.
Dans l'obscurité, un homme ne peut rien voir. C'est ainsi que devrait être vu un Bodhisattva qui est tombé parmi les choses, et qui, étant tombé parmi les choses, renonce à un don. Quand la nuit devient jour et se lève le soleil, un homme avec des yeux voit de nombreuses formes. C'est ainsi que devrait être vu un Bodhisattva qui n'est pas tombé parmi les choses et qui, sans être tombé parmi les choses, renonce à un don.
De plus, Subhuti, ces hommes et femmes de bien, qui comprendront ce discours sur le Dharma, le garderont à l'esprit, le réciteront, l'étudieront et l'éclaireront à d'autres dans tous ses détails, ont été connus, Subhuti, par le Tathagata avec sa connaissance de Bouddha, ils ont été vus, Subhuti, par le Tathagata avec son œil de Bouddha, ils ont été entièrement connus par le Tathagata. Tous ces êtres, Subhuti, vont engendrer et acquérir une masse immense et incalculable de mérite.
15. Et si, Subhuti, une femme ou un homme renonçait le matin à toutes ses possessions, autant de fois qu'il y a de grains de sable dans le Gange, et si cet homme ou cette femme faisait de même à midi et le soir, et de cette manière renonçait à toutes ses possessions pour de nombreuses centaines de milliers de millions de milliards d'ères incommensurables ; et si quelqu'un d'autre, après avoir entendu ce discours sur le Dharma, ne le rejetait pas, alors, ce dernier, en vertu de ceci, engendrerait une masse de mérite encore plus grande, immense et incalculable. Que dire alors de celui qui après l'avoir écrit, l'apprendrait, le garderait à l'esprit, le réciterait, l'étudierait et l'éclairerait à d'autres dans tous ses détails ?
De plus, Subhuti, (1) impensable et (2) incomparable est ce discours sur le Dharma. (3) Le Tathagata l'a enseigné pour le bonheur des êtres qui se sont mis en route sur le meilleur, sur le plus excellent des véhicules. Ceux qui comprendront ce discours sur le Dharma, qui le garderont à l'esprit, le réciteront, l'étudieront et l'éclaireront à d'autres dans tous ses détails, le Tathagata les a connus avec sa connaissance de Bouddha, le Tathagata les a vus avec son œil de Bouddha, le Tathagata les a entièrement connus. Tous ces êtres, Subhuti, auront le bonheur d'avoir une masse immense de mérite, ils auront le bonheur d'avoir une impensable, une incomparable masse de mérite, sans mesure et sans limite. Et tous ces êtres, Subhuti, porteront une part égale d'éveil. Et pourquoi ? (4) Parce qu'il n'est pas possible, Subhuti, que ce discours sur le Dharma soit entendu par des êtres de moindre détermination, ni par ceux qui ont une vue d'un soi, d'un être, d'une âme ou d'une personne. Les êtres qui n'ont pas pris l'engagement des êtres de Bodhi ne peuvent pas non plus entendre ce discours sur le Dharma, ni le comprendre, le garder à l'esprit, le réciter ou l'étudier. Cela ne peut pas être.
(1) De plus, Subhuti, l'endroit de la terre où ce sûtra sera révélé, cet endroit sera digne de vénération par le monde entier, avec ses Dieux, ses hommes et ses Asuras, digne d'être salué respectueusement, digne d'être honoré par circumambulation ; tel un autel sera cet endroit de la terre.
16. Et cependant, Subhuti, ces hommes et femmes de bien, qui comprendront ces sûtras-là, les garderont à l'esprit, les réciteront et les étudieront, seront rendus humbles, oui, seront rendus bien humbles ! Et pourquoi ? Les actes impurs que ces êtres ont faits dans leurs vies précédentes, et qui sont susceptibles de les rendre malheureux, - dans cette vie présente, parce qu'ils deviendront humbles, ils (2) annuleront les actes impurs de leurs vies précédentes, et (3) atteindront l'éveil d'un Bouddha. Avec ma super-connaissance, Subhuti, je me souviens que dans la période passée, bien avant Dipankara, le Tathagata, l'Arhat, le Complètement Éveillé, durant d'incalculables, de complètement incalculables ères incommensurables, j'ai donné satisfaction, par un service loyal, à quatre-vingt-quatre mille millions de milliards de Bouddhas, sans jamais les décevoir. Mais la masse de mérite, Subhuti, provenant de la satisfaction que j'ai donnée à ces Bouddhas et Seigneurs sans jamais les décevoir, comparée à la masse de mérite de ceux qui aux derniers temps, à la dernière époque, dans les cinq cents dernières années, au moment de l'effondrement de la bonne doctrine, comprendront ces sûtras-là, les garderont à l'esprit, les réciteront, les étudieront et les éclaireront à d'autres dans tous leurs détails, n'approche pas une centième partie, pas une millième partie, ni une cent millième partie, ni une dix millionième partie, ni une cent millionième partie, ni une cent mille millionième partie. Elle ne peut pas être mise en chiffres, ni mise en fraction, ni comptée, ni comparée, ni ressemblée. (4) Si, de plus, Subhuti, j'enseignais la masse de mérite de ces femmes et hommes de bien, et combien grande est la masse de mérite qu'ils vont alors engendrer et acquérir, les êtres deviendraient troublés et confus. Puisque, cependant, Subhuti, le Tathagata a enseigné ce discours sur le Dharma comme étant impensable, alors, de même, un résultat de karma impensable devrait en être attendu.
© 'Wisdom beyond words' Sangharakshita, Windhorse Publications 1993, traduction © Christian Richard 2003.