Les origines de Sangharakshita offrent peu d'indices quant à la façon dont il est devenu ce qu'il est aujourd'hui. Dennis Lingwood, tel était son premier nom, est né le 26 août 1925 dans le sud de Londres, de parents de classe ouvrière. Bien que ses parents aient eux-mêmes eu peu d'éducation, c'étaient des personnes droites et sensibles, offrant une maison heureuse et affectueuse au jeune Dennis et à sa sœur. Il fut très tôt évident qu'il était exceptionnellement intelligent, mais la vie continua normalement pour lui jusqu'à ce qu'il ait huit ans. On lui diagnostiqua alors un problème cardiaque sérieux qui nécessita, pour que ses jours ne soient pas mis en danger, qu'il reste complètement immobile et au calme. Pendant deux ans il fut confiné au lit, voyant seulement ses parents et le médecin de famille. Ce qui aurait pu être un désastre accablant fut, pour un esprit si vivant, une occasion singulière. Guidé par une sensibilité étonnamment mûre, le garçon de huit ans se mit à lire : principalement les classiques de la littérature anglaise, et les 61 volumes de l'encyclopédie pour enfants de Harmsworth, qu'il lut et, pour plusieurs d'entre eux, relut plusieurs fois. Ainsi il fut introduit à la littérature, à la philosophie, à la religion, et à l'art.
Deux ans plus tard, le diagnostic original étant contredit par un médecin pionnier, Dennis put quitter son lit et fut bientôt autorisé à retourner à l'école. Cependant, il affirme lui-même qu'il n'a rien appris d'utile dans son enseignement conventionnel, en particulier car ce dernier fut encore interrompu par la Seconde Guerre Mondiale. Il a acquis ses considérables connaissances presque exclusivement par ses propres efforts. À partir du moment où il a été confiné au lit, il a lu chaque semaine plusieurs livres de grande valeur, absorbant le contenu de chacun d'eux avec un vif discernement et une excellente mémoire. De cette époque date aussi son amour de l'art : en effet, ses premières capacités étaient si grandes que l'on imagina qu'il deviendrait peintre. Mais la peinture l'a mené à un nouvel et plus grand amour. À l'âge de douze ans, à la lecture du Paradis perdu de John Milton, il se découvrit une passion pour la poésie et commença lui-même à écrire des vers, ce qu'il continua à faire toute sa vie.
Avec le début de la guerre et la menace des raids aériens, la plupart des enfants vivant à Londres furent évacués de la ville. En 1940, avec la deuxième vague d'évacuations, Dennis partit pour le Devon, où il continua son auto-éducation, passant de nombreuses heures dans les bibliothèques municipales. Dès qu'il put persuader ses parents, il quitta l'école et prit un travail de bureau chez un négociant en charbon. Durant cette période il tomba par hasard sur Isis dévoilée de Madame Blavatsky, une œuvre fondatrice du mouvement de la théosophie. Lire ce livre le convainquit qu'il « n'était pas chrétien et ne l'avait jamais été ». Il revint à Londres en 1941, et pendant les deux années qui suivirent vécut avec ses parents et travailla comme commis pour le Conseil de Londres. Ce fut une période pleine de turbulences, où il tomba amoureux, commença à avoir des expériences psychiques et mystiques, et écrivit beaucoup de poèmes, ainsi qu'un roman jamais publié et aujourd'hui perdu.
En 1942, dans son écumage insatiable des librairies de Londres, il acheta un exemplaire de deux œuvres importantes du bouddhisme Mahayana : le Vajracchedika Prajñaparamita Sûtra, ou Sûtra du diamant, et le Sûtra de l'estrade de Hui-neng. Ces deux textes eurent un impact décisif, le convainquant qu'il était bouddhiste, et qu'il « l'avait toujours été ». Il devint membre de la Société bouddhiste de Londres, contribuant à sa revue, The Middle Way, et assistant à ses réunions. Il y rencontra Christmas Humphreys et la plupart des personnes importantes du bouddhisme anglais de l'époque. Le jour de la pleine lune de mai 1944 vit son entrée formelle dans le bouddhisme, à l'occasion des célébrations de Vésak par la Société bouddhiste - les célébrations de l'anniversaire de la naissance, de l'éveil, et du parinirvana du Bouddha. À cette occasion, il récita pour la première fois les refuges et les préceptes, à la suite de U Thittila, un bhikkhu birman.
'Sangharakshita, a New Voice in the Buddhist Tradition' © Subhuti, Windhorse Publications 1994,
traduction © C. Richard 2007.