L'Ordre et la Communauté Triratna, créés par Sangharakshita, sont issus de sa compréhension des principes essentiels du Dharma. Un des plus importants de ces principes est l'unité du bouddhisme. C'est une notion complexe qui peut être vue sous des angles différents : historique, méthodologique, doctrinal, métaphysique, éthique, social et, le plus significativement, en tant qu'acte spirituel personnel.
S'appuyant sur des écrits de Sangharakshita (en italiques), un de ses plus anciens disciples, Dharmachari Subhuti, analyse ici cette vision de l'unité du bouddhisme.
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Le bouddhisme est basé sur l'expérience de l'Éveil (bodhi) du Bouddha, sur sa compréhension directe de la vraie nature des choses. Tous les bouddhistes acceptent que le Bouddha a atteint l'Éveil. Tous acceptent qu'il a enseigné la voie vers l'Éveil. Tous les bouddhistes de toutes les écoles dérivent de façon ultime leurs doctrines et méthodes spécifiques de la vision Éveillée qu'a le Bouddha de la réalité : toutes ces doctrines et toutes ces méthodes sont de façon ultime dirigées vers l'atteinte de l'Éveil. L'unité transcendantale du bouddhisme repose sur cette reconnaissance commune de l'expérience de l'Éveil du Bouddha en tant que source et en tant que but.
Les différences doctrinales ou autres entre les écoles ne sont pas résolues
en étant réduites à leur propre niveau l'une par rapport à l'autre ou entre toutes à un commun dénominateur conceptuel, mais sont transcendées par référence à un facteur qui, étant supra-logique, peut être le dénominateur commun d'assertions contradictoires.
Et ce dénominateur commun est bien sûr l'Éveil du Bouddha.
Aussi unies soient toutes les écoles dans leur source et dans leur but ultimes, leurs doctrines et leurs méthodes, voire leur conception de ce qu'est l'Éveil, varient considérablement Ceci pose immédiatement un énorme problème. Comment pouvons-nous décider lesquelles sont véritablement bouddhistes et lesquelles ne le sont pas ? Quels sont les critères pour déterminer ce qui est le Dharma ? Pour une résolution de ce problème, Sangharakshita se tourne vers les propres paroles du Bouddha. Le Dharma, ainsi que nous devons plus proprement appeler le bouddhisme en tant que voie vers le but de l'Éveil, est défini par le Bouddha dans les écritures les plus anciennes en termes purement pragmatiques. Sangharakshita cite deux passages importants du canon en pâli. Dans le premier, le Bouddha compare le Dharma à un radeau utilisé par un homme pour traverser d'une rive, « plein de doutes et de peurs » vers la rive éloignée « en sécurité et dépourvu de peur ». Une fois arrivé sur la rive éloignée, le radeau ne lui est plus utile.
Ainsi, frères, en utilisant l'image d'un radeau, je vous ai montré le Dharma comme quelque chose à laisser derrière, à ne pas prendre avec vous. Ainsi, frères, comprenant l'image du radeau, vous devez [finalement] lâcher les enseignements justes, et plus encore ceux qui sont erronés.
En d'autres termes, le Dharma est un moyen pour atteindre un but, et non un but en soi. Sangharakshita montre de plus que
Comme le Dharma, ainsi que le Bouddha le déclare explicitement [dans la parabole du radeau], est essentiellement ce qui conduit à l'atteinte de l'Éveil, il s'ensuit nécessairement que tout ce qui conduit à l'atteinte de l'Éveil est le Dharma.
Dans le second passage, le Bouddha confirme cela quand on lui demande comment ses enseignements peuvent être reconnus. Il affirme que ce sont
Tous les enseignements qui conduisent à la dépassion et non à la passion, au détachement et non à l'attachement, à la diminution des gains mondains et non à leur augmentation, à la frugalité et non à la convoitise, au contentement et non au mécontentement, à la solitude et non à la compagnie, à l'énergie et non à l'apathie, à la délectation envers ce qui est bon et non envers ce qui est mal… Cela est le Dharma. Cela est le Vinaya. Cela est le message du Maître.
Ce qui détermine si une école ou un enseignement est réellement bouddhiste n'est pas le fait qu'il contienne un ensemble particulier de mots, de pratiques, d'habitudes, ou d'institutions, mais qu'il aide les individus à aller vers l'Éveil.
Pour résumer, l'unité transcendantale du bouddhisme réside dans le fait que toutes les écoles et toutes les traditions reconnaissent le même but transcendantal atteint par le Bouddha historique. Chaque école ou tradition a cependant différents moyens d'approcher l'Éveil. Dans la mesure où ils mènent en fait à la réalisation de ce but, ces moyens représentent tous « le Dharma, le Vinaya et le message du Maître », malgré les apparentes contradictions entre eux. En cela réside donc l'unité méthodologique du bouddhisme. L'unité, dans ce sens,
consiste dans le fait qu'au travers d'innombrables différences et divergences de doctrine, toutes les écoles du bouddhisme ont pour but l'Éveil, la reproduction de l'expérience spirituelle du Bouddha. Le Dharma doit donc être défini non pas tant dans les termes de tel ou tel enseignement spécifique, mais plutôt dans la somme totale des moyens par lesquels cette expérience peut être atteinte.
‘Sangharakshita, A New Voice in the Buddhist Tradition’ © Subhuti, 1994, traduction © Christian Richard, 2010.