Dans la vie spirituelle, une compréhension intellectuelle ne suffit pas. Les gens qui ont lu beaucoup de livres sur le sujet peuvent penser qu'ils ont une bonne compréhension du bouddhisme, mais selon le Lankavatara Sutra ce ne suffit pas. « Sans dépendre des mots et des lettres » dit le zen. Par sa doctrine du paravritti, du « retournement », le Lankavatara Sutra dit qu'il doit aussi y avoir une expérience spirituelle certaine. Il doit y avoir une conversion, un très grand changement de notre mode d'attention, de notre façon de voir les choses et de notre façon de nous comporter, pour qu'il y ait une véritable vie spirituelle. C'est le premier point fondamental présenté par cette doctrine. La plupart du temps, nous ne faisons qu'acquérir des informations intellectuelles à partir de sources externes ; il n'y a pas de modification fondamentale de la qualitê de notre conscience elle-même. Mais, comme le dit le Bouddha dans le Lankavatara Sutra, c'est cette transformation radicale de notre mode de conscience qui est la raison de tout cet exercice. Il faut qu'il y ait ce retournement, ce renversement - ou, comme le dit Nietzsche, « une transvaluation de toutes les valeurs », par laquelle nous voyons les choses non pas seulement de façon légèrement différente, mais de façon totalement différente, avec un renversement total de toutes nos valeurs passées. Nous devons être préparé à cela même.
L'autre point significatif impliqué par cette doctrine est que ce retournement, cette conversion, arrive soudainement, en un instant. Nous voyons ici le lien avec l'idée du zen de « l'Éveil soudain ». Malheureusement, cette idée est toujours souvant comprise pour signifier que l'on peut atteindre l'Éveil facilement et rapidement, sans aucune difficulté. Il suffit d'aller à la bibliothèque, de prendre un ou deux livres sur le zen, de les lire et puis, hop ! on y est ! On oublie commodément que les livres eux-mêmes disent : « sans dépendre des mots et des lettres ». En fait, un « livre sur le zen » est en réalité une contradiction absolue dans les termes. Là où il y a des livres, il n'y a pas de zen - ou l'on pourrait dire que là où il y le zen, il n'y a pas de livres. Du moins, dans le zen, on ne dépend pas du tout des livres, on ne s'appuie pas du tout sur eux. La conversion, l'Éveil, le satori, n'est soudain que dans le sens où l'éclatement d'un rocher est soudain. Dix-neuf autres coups ont dûs être donnés avant cet éclatement ; en vérité, donc, l'éclatement n'est pas soudain. Il ne semble l'être que parce qu'il a été préparé à un niveau différent, plus profond, caché à la vue.
‘The Meaning of Conversion in Buddhism’ © Sangharakshita, 1994, traduction © Centre bouddhiste Triratna, 2004.