Kant affirmait que toute la philosophie avant lui avait été dogmatique, et il admettait que lui-même, jusqu'à un certain point, avait été un philosophe dogmatique ; il le fit en des termes qui sont devenus célèbres, il dit que c'est la lecture d'un essai de Hume qui l'a réveillé de son sommeil dogmatique. Ce qu'il voulait dire est assez simple : il voulait dire que jusque là, les philosophes avaient employé la raison humaine, en particulier sur des sujets comme Dieu, l'âme et l'immortalité, sans se demander, sérieusement, si la raison humaine était adaptée pour traiter de tels sujets. En d'autres termes, ils avaient utilisé la raison pour traiter ces sujets sans aucun sens de ses limites. Donc, selon Kant, un philosophe « dogmatique » est celui qui utilise la raison pour faire des recherches sur certains sujets sans d'abord se demander si la raison est constituée de telle sorte qu'elle est capable d'explorer ces sujets. Un philosophe « critique » est celui qui, pour commencer, examine ses instruments - et en particulier la raison humaine - et essaie de voir si celle-ci est capable de traiter les sujets qu'il s'est proposé de traiter. Donc, quand nous lisons que le Bouddha avait une conscience critique de l'impossibilité de donner une expression complète et définitive de la nature de la réalité en des termes conceptuels fixes, c'était parce qu'il avait observé la raison et ces termes conceptuels de cette manière critique.
Extrait d’un séminaire animé par Sangharakshita (© 1984), sur son livre 'The Ten Pillars of Buddhism'. Traduction © Centre bouddhiste Triratna, 2002.