Comme nous l'avons vu, un état mental défavorable est un état mental qui est contaminé par l'avidité ou le désir égoïste, par la haine, ou par l'illusion, la confusion mentale, la perplexité et le manque de perspective. Une pensée est dite défavorable lorsqu'elle apparaît en association avec un ou plusieurs de ces facteurs ou états mentaux défavorables. Si l'on se demande d'où proviennent ces pensées défavorables - et nous devons savoir d'où elles viennent si nous voulons les éradiquer - la réponse est que leur source immédiate (nous ne nous intéressons pas, pour le moment, à leur source ultime) est les sens.
Dans le bouddhisme il y a six sens : les cinq sens physiques plus l'esprit, qui est considéré comme le sixième sens. L'esprit est l'esprit ordinaire avec lequel nous vivons notre vie. Des états mentaux défavorables apparaissent quand, par exemple, vous marchez dans la rue et, remarquant quelque chose de vif et coloré dans la vitrine d'un magasin, vous pensez tout de suite : « J'aimerais avoir cela ! » De cette façon, à travers l'organe de l'œil apparaît l'avidité ou le désir. Parfois, simplement, nous nous rappelons quelque chose. Nous sommes calmement assis, seul, et le souvenir de quelque chose que nous avons eu, ou apprécié, ou pensé, nous passe par l'esprit - nous ne savons pas d'où - et avant que nous ne réalisions ce qui se passe nous sommes pris au piège de l'avidité, de la haine, ou de la peur.
Afin, donc, d'empêcher les pensées défavorables non apparues d'entrer dans notre esprit, voire d'en prendre possession et de le dominer, il est nécessaire d'avoir recours à ce qui est connu dans le bouddhisme sous le nom de vigilance ou de prise de conscience à l'égard des sens, en particulier de l'esprit. Cela s'appelle traditionnellement « garder les portes des sens ». Les sens sont ici représentés comme étant les portes d'une maison. Si vous voulez empêcher quelqu'un d'entrer dans la maison, vous postez un garde à l'entrée pour examiner l'identité de tous ceux qui se présentent. De façon similaire, vous observez les portes des six sens et vous essayez de voir quelles impressions, quelles pensées ou idées se présentent et cherchent à entrer, et de cette façon vous empêchez l'ennemi d'entrer. La vigilance ou la prise de conscience concernant le fonctionnement des sens physiques et de l'esprit inférieur doit être pratiquée sans arrêt. Comme nous le savons tous par expérience, les pensées défavorables nous prennent toujours au dépourvu : nous ne les voyons même pas venir, nous ne les voyons pas passer la porte. Avant que nous sachions où nous sommes elles sont au cœur de notre esprit - assises dans la maison, si l'on peut dire, très à l'aise - et nous nous demandons comment elles sont entrées ! Eh bien, elles sont entrées par la porte. Elles sont entrées par l'un ou l'autre des six sens. Voilà pourquoi nous devons garder les portes des sens si nous voulons laisser au-dehors les pensées défavorables.
'Vision and Transformation' © Sangharakshita, Windhorse Publications 1990, traduction © Christian Richard 2003.