Selon le Bouddha nous devrions dire des choses utiles, de façon à promouvoir le développement, et particulièrement le développement spirituel, de la personne à qui nous parlons. Ceci ne doit pas nécessairement impliquer quelque chose de formel tel qu'une éducation religieuse spécifique, quoique ceci aussi soit très utile. De façon générale, cet aspect de la Parole parfaite - dire ce qui est utile - consiste à parler d'une manière telle que la ou les personnes à qui nous parlons soient élevées dans l'échelle des êtres et des consciences, et non pas abaissées. Au moins nous pouvons être positifs et appréciatifs. La plupart des gens sont si négatifs. Vous leur parlez de quelque chose de bien, de quelque chose d'heureux, et ils prennent un visage triste, ou bien ils déprécient cette chose, ou bien ils essaient de vous amoindrir. En fin de compte, vous pouvez vous sentir assez coupables d'avoir pris plaisir à cette chose particulière, ou de l'avoir aimée et appréciée. Nous devons donc être au moins positifs et appréciatifs, en réalisant que quand nous avons cette sorte d'attitude, l'autre personne est aidée à se développer, et que ce n'est pas le cas quand nous sommes négatifs, critiques, ou destructifs.
Il y a une très belle histoire qui illustre ce point, et qui provient d'un des évangiles apocryphes (aux premiers temps de la chrétienté, il n'y avait pas que les quatre évangiles de la Bible, mais de très nombreux, voire des centaines d'évangiles. Certains d'entre eux nous sont parvenus et contiennent des proverbes et des anecdotes qui ne se trouvent pas dans la Bible.) Selon cette histoire, Jésus marchait sur une route de Galilée, avec ses disciples, lorsqu'ils tombèrent sur un chien mort. Nous ne voyons en général pas de chiens morts dans les rues de Paris, mais en Orient c'est une chose fréquente, même de nos jours, et comme ceux d'entre vous qui ont lu le célèbre poème de Baudelaire Une Charogne le réaliseront, un chien mort n'est pas beau à voir. Ce chien-là devait avoir été là pendant plusieurs semaines, puisque lorsqu'ils le virent les disciples réagirent avec des expressions de dégoût et d'horreur. Jésus, cependant, sourit et dit : « Quelles belles dents ! » Il vit ce qui était beau même chez un chien mort.
C'est le genre d'attitude que demande ce niveau de Parole parfaite. Nous devrions voir le côté bon, radieux, positif, des choses - et ne pas concentrer notre attention sur le côté négatif. Nous ne devrions pas être trop critiques ou destructifs. Il y a bien sûr un temps pour la critique, et même pour la critique destructive : c'est une activité légitime. Mais la plupart d'entre nous sommes trop prêts et trop rapides à nous y adonner, négligeant le côté plus positif. Même si nous ne sommes pas en position de donner une instruction spirituelle particulière, ou d'éclairer les gens - et très peu d'entre nous peuvent le faire d'aucune m&nière, ou dans aucune mesure - au moins pouvons-nous être utiles. Nous pouvons au moins être positifs, et appréciatifs de toute bonne chose que nous voyons grandir en l'autre personne, ou émerger d'elle. En tout cas, même si le cas échéant nous donnons quelque instruction, cela ne sera efficace que si nous le faisons dans un esprit serviable, positif et constructif.
Maintenant, si nous communiquons tel que nous l'avons décrit : si nous disons la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité ; si nous parlons avec amour, c'est-à-dire avec la conscience de l'être de l'autre personne ; si nous parlons de façon à promouvoir le développement de l'autre, de façon à avoir sur l'autre un effet sain et positif ; si nous sommes plus concernés par ses besoins que par les nôtres ; si nous ne projetons pas nos propres états émotionnels, ou ne l'utilisons ou ne l'exploitons pas ; alors le résultat sera qu'en parlant, en communiquant avec une autre personne nous oublierons tout ce qui nous concerne. Ceci nous mène au quatrième et plus élevé des niveaux de Parole parfaite, ou à la quatrième et dernière étape de la communication.
'Vision and Transformation' © Sangharakshita, Windhorse Publications 1990, traduction © Christian Richard 2003.