« Le Seigneur continua : « Penses-tu, Subhuti, que le Tathagata puisse être vu par la possession de ses marques ? » Subhuti répondit : « Non, bien sûr, Ô Seigneur. Et pourquoi ? Ce qui a été enseigné par le Tathagata comme étant la possession de marques, est vraiment une non-possession de non-marques. » Le Seigneur dit : « Là où il y a possession de marques, il y a tromperie ; là où il y a non-possession de non-marques, il n'y a pas tromperie. Le Tathagata est donc vu comme ayant des non-marques comme marques. »
Ce chapitre a pour thème principal le fait que le Bouddha ne peut pas être reconnu par les trente-deux marques qu'il possède, même si ces traits physiques distinctifs sont suffisamment frappants, voire grotesques, pour le séparer clairement du reste de l'humanité. Mais ce n'est pas l'énigme qui nous préoccupe immédiatement. Tout d'abord, nous devons nous demander ce que fait vraiment le Bouddha avec ces trente-deux marques - ou, pour être strictement précis, trente-deux marques majeures et quatre-vingt-quatre marques mineures - et d'où il les tient. La réponse traditionnelle est que ces marques sont le fruit du mérite gagné par sa pratique des Perfections (ou plutôt des cinq premières Perfections) dans ses vies antérieures. Si vous regardez des thangkas tibétains représentant le Bouddha, vous verrez qu'il a deux halos, l'un autour de son corps, représentant le punyasambhara ou accumulation de mérite, et l'autre autour de sa tête, symbolisant le jñanasambhara ou accumulation de sagesse, la sagesse étant bien sûr la sixième Perfection.
Lorsqu'on la regarde d'une manière critique, cependant, toute cette idée des trente-deux marques est beaucoup plus difficile à sonder. Elle est présentée dans le canon pâli comme étant si l'on peut dire pré-bouddhique : des brahmanes érudits connaissant bien en quoi consistent les marques apparaissent dans les sûtras pâlis, et reconnaissent immédiatement ces marques sur le Bouddha lui-même. Il vous serait cependant difficile de trouver une référence à ces marques dans la littérature védique pré-bouddhique ; de nos jours, de nombreux brahmanes n'en ont même jamais entendu parler, à moins que ce ne soit par l'intermédiaire de textes bouddhiques. Si cette idée a donc un jour existé dans la tradition brahmanique, il n'y en a virtuellement aucune trace conservée en dehors des écritures bouddhiques.
Mme Rhys Davids suggère que certaines des trente-deux marques semblent avoir une justification esthétique, tandis que d'autres ont une fonction purement symbolique. Certaines d'entre-elles sont aussi des attributs d'Agni, le dieu védique du feu. L'interprétation la plus fructueuse des marques, cependant, semble être qu'elles sont des restes de la conception védique de l'« homme cosmique ». Ce n'est pas un ancêtre originel ou primordial de la race humaine, comme Adam. C'est plutôt comme le concept trouvé dans la Kabbale, de l'Adam Kadmon, l'Adam céleste, ce que vous pourriez appeler l'archétype de l'humanité, qui se trouve aussi dans la littérature védique sous le nom de purusha. Dans les hymnes védiques, par exemple, la création de l'univers est décrite en termes de sacrifice ou de démembrement de l'homme cosmique ou archétype (un thème très présent dans les premiers mythes et les premières légendes).
Ce qui peut bien s'être produit, c'est que certains des attributs de cet homme cosmique aient été rassemblés dans une tradition d'un surhomme, ou mahapurusha, et qu'à l'époque où le Bouddha apparut les brahmanes aient eu des listes de ces trente-deux marques principales, mais n'aient pas su ce que les anciens brahmanes savaient à l'origine à propos de leur signification. Pour avoir une compréhension complète de tout ce qui concerne les trente-deux marques, il faudrait probablement faire une investigation très détaillée de la littérature védique et de tout le concept de purusha.
Ce que nous savons c'est que ces marques mystérieuses vinrent à être associées au Bouddha - ou, plutôt, lui furent surajoutées. Il en résulta que le Bouddha hérita quelque chose de la qualité numineuse de l'ancienne figure de l'homme cosmique, dans l'esprit de gens qui ne pensaient pas en termes d'évolution du singe vers l'homme, mais en termes de modèle divin, d'archétype de l'humanité, ou de surhomme, aux caractéristiques duquel ils aspiraient sinon à se conformer, du moins à découvrir en eux-mêmes. De ce point de vue, le Bouddha, en devenant Éveillé, devint une sorte de modèle ou d'archétype pour d'autres êtres humains - mais dans un sens spirituel plutôt que mythologique.
Dans quelle mesure, cependant, le Bouddha peut-il avoir été reconnaissable, d'une façon directe, par ces marques ? Il y a une raison évidente pour laquelle un Bouddha ne peut pas, à première vue, n'être reconnu que par la présence des trente-deux marques, ou même des quatre-vingt-quatre marques : c'est parce que les mêmes marques sont censées être portées par le corps d'un cakravartin raja, ou « monarque universel ». Ceci est dit bien plus loin dans le sûtra, au chapitre 26 :
« Le Seigneur dit : Si, Subhuti, le Tathagata pouvait être reconnu par la possession de ses marques, alors le monarque universel serait aussi un Tathagata. »
Le chapitre suivant présente une autre perspective : l'attitude du Bouddha lui-même quant à ce même point.
« Parce que le Tathagata ne pourrait sûrement pas avoir entièrement connu l'éveil suprême, droit et parfait par la possession de ses marques. »
Le Bouddha lui-même ne va pas laisser entendre que c'est simplement parce qu'en résultat de bonnes actions passées il a les trente-deux marques qu'il est Éveillé. En d'autres termes, il connaît la différence entre un cakravartin raja et un Bouddha, ce à quoi, sans aucun doute, on doit s'attendre.
Ceci est assez logique. Ce qui, en passant, peut sembler un peu bizarre, c'est qu'un dirigeant politique soit si proche d'être un Bouddha que les deux ne semblent pas être distinguables. Ils peuvent tous les deux être des guides de l'humanité, mais un dirigeant s'intéresse idéalement à la mise en place de conditions externes, en encourageant l'observation des dix kusala dharmas dans la société, tandis qu'un Bouddha s'attache avant tout à inciter chaque individu à faire un effort spirituel individuel. Il est difficile à une personne de remplir les deux fonctions, bien que, si l'on suit le Mahayana, ce ne soit pas impossible. Dans le cas d'Amitabha et de sa Terre Pure, le même être met en place la situation idéale et, dans ce contexte, enseigne le Dharma. A un niveau plus terrestre, nous pouvons considérer le Tibet, où les Dalaï-Lamas sont représentés sous forme d'icônes d'une part comme étant des Bodhisattvas, et d'autre part comme tenant entre leurs mains la roue d'or des cakravartin rajas. Sans tenir compte de ces développements, cependant, un peu de bon sens est probablement suffisant pour nous permettre de remarquer si une personne possédant toutes les trente-deux marques (dans certaines traditions plus récentes, des grands disciples et même des Arhants sont censés posséder certaines de ces marques, sinon toutes) apparaît comme un monarque ou comme quelqu'un qui a renoncé.
Mais même si l'on fait l'hypothèse que le Bouddha ne peut guère être pris par erreur pour un prince régnant, certains épisodes montrent de façon évidente qu'il n'est pas reconnu par certaines personnes tant que, du fait de son enseignement, son statut n'est pas devenu évident. Il y a quelques marques, y compris celles qui ornent habituellement les images traditionnelles du Bouddha, comme l'ushnisha (la « protubérance bodhique », au sommet de la tête), la boucle de cheveux au-dessus des sourcils, et même le svastika sur la poitrine, qui peuvent simplement lui donner un aspect inhabituel, et même distingué, parmi le commun des mortels. Il y en a d'autres, comme les longs bras descendant jusqu'en dessous des genoux, qui sont un peu grotesques, même si elles sont symboliquement suggestives (le long bras de la compassion ?). Mais aucune de ces curieuses déviations des traits physiques normaux par lesquels on reconnaît un membre masculin de l'espèce humaine ne semble faire germer un regard interrogateur, ni aucune sorte de surprise ou d'émerveillement, chez les gens qu'il rencontre. Certains disent que le Bouddha ne porte pas ces marques sur son corps physique, mais sur son corps subtil, contrepartie astrale de son corps physique.
Judicieusement, Conze identifie ces marques comme étant des attributs du « corps glorifié » du Bouddha, ou sambhogakaya. Mais en distinguant entre le sambhogakaya, doté des marques et perçu par l'œil de la foi, et le dharmakaya, le corps ou l'aspect supérieur de l'esprit Éveillé du Bouddha, qui n'est pas doté de marques et n'est perçu que par l'œil de la sagesse, Conze est peut-être un petit peu trop schématique. La doctrine du trikaya, des trois corps du Bouddha, peut certainement être exprimée en termes de corps, de parole et d'esprit, le nirmanakaya représentant son corps Éveillé, le sambhogakaya sa communication Éveillée, et le dharmakaya son esprit Éveillé. Nous devons cependant contourner toute idée quasi-théosophique de l'existence de trois entités séparées, ou de l'existence de trois processus différents. Il y a en fait un quatrième kaya, le svabhavakaya, qui semble avoir été développé pour fournir une unification des trois autres, quand il a été senti que les trois kayas étaient en train de devenir trois Bouddhas plutôt que trois kayas d'un même Bouddha.
Au risque de s'égarer dans l'hérésie (non pas que prendre ce genre de risque soit nécessairement très mauvais) nous pourrions même trouver un parallèle assez utile à ces trois kayas dans le système du kosa des Upanishads, tel que présenté dans l'Upanishad du Taittiriya. Selon cet enseignement, un être humain est fait de couches successives, un peu comme un oignon. Il y a tout d'abord l'annamayakosa, fait de nourriture (c'est-à-dire le corps physique) ; puis il y a le pranamayakosa, le corps fait de respiration (pour parler littéralement), ce qui veut dire quelque chose comme l'énergie ou la vitalité, et correspond au corps subtil, ou astral ; troisièmement, il y a le manomayakosa, le corps fait d'esprit (le Bouddha lui-même parla d'un manomayakaya) ; quatrièmement vient le prajñamayakosa, le corps fait de sagesse ; et finalement vient l'anandamayakosa, le corps fait de félicité. Comme si le bouddhisme avait récapitulé ces kosas au cours de son développement, le Vajrayana produisit un cinquième kaya, le corps de grande félicité, le mahasukhakaya - la félicité qui a traversé les feux de la shunyata. Quoiqu'il y ait respectivement dans les traditions hindoue et bouddhique cette correspondance entre le kosa, l'étui, et le kaya, le corps, nous pouvons trouver le terme kosa plus utile dans ce contexte, parce qu'il suggère, plutôt que des corps réellement séparés, des degrés différents d'externalité dans notre perception de la nature du Bouddha.
Nous pouvons maintenant comprendre comment il se fait que le Bouddha ne puisse pas être reconnu par ses marques. C'est vraiment une question de profondeur de regard. Ruskin, le critique d'art de l'époque victorienne, dit que si nous imaginons que nous savons qui est Apollon en en regardant une statue, nous nous trompons. Apollon n'est pas du tout cette forme particulière ; en fait, la forme d'Apollon ne peut jamais être saisie en des termes faisant appel aux sens. Apollon est une signification, une force spirituelle, qui ne peut jamais être représentée. Plus nous nous fions à des formes extérieures, plus nous avons de chances de nous tromper, bien qu'une attention rapprochée aux apparences approfondisse nos perceptions.
La façon la plus claire d'en venir là est peut-être à l'aide du concept des « cinq yeux ». Il y eut des gens qui purent voir le Bouddha Gautama de leurs propres yeux, car ils se trouvèrent être près de lui de son vivant ; il y eut des gens dont l'œil divin a pu être suffisamment ouvert pour qu'ils puissent voir ses trente-deux marques ; et il y eut ceux qui virent l'Inconditionné dans les profondeurs du conditionné, et qui purent voir le Bouddha avec leur œil de Dharma. En approfondissant plus encore, un Arhat aurait pour ainsi dire vu la plus grande partie de l'être du Bouddha avec son œil de prajña. Mais cessez d'être un arhat, devenez un bodhisattva, devenez vous-même un samyaksambuddha, et vous verrez le Bouddha tel qu'il est vraiment, avec votre œil de Bouddha.
A un niveau beaucoup moins élevé, nous pouvons appliquer la même idée de couches aux réponses que nous faisons aux autres personnes. Il est clair que le fait qu'une personne puisse mettre un nom sur votre apparence extérieure ne veut pas dire qu'elle vous reconnaisse en quelque sens véritable. Même dans le cas des gens ordinaires, les premières impressions peuvent être à la fois trompeuses et superficielles. En fait, personne ne peut être connu par ses marques. Il faut généralement plusieurs années et un effort d'empathie pour bien connaître quelqu'un, sauf dans les rares occasions où il y a ce rapport immédiat, ce sentiment d'avoir connu une personne toute sa vie durant, alors que l'on vient juste de la rencontrer. C'est toujours une question de pénétration de plus en plus profonde dans la nature d'une personne, de rencontre de cette personne à des niveaux toujours plus profonds. Nous pouvons donc imaginer combien cela est plus encore le cas lorsque l'on rencontre le Bouddha. Les trente-deux marques ne dénotent pas la sagesse ou la compassion. Le Bouddha ne peut pas non plus être connu par ses discours, par son enseignement, dans le sens des mots ou des idées aux travers desquels son enseignement est communiqué. Vous ne pouvez connaître l'esprit du Bouddha que par votre propre expérience de cet esprit, soit parce que vous êtes en contact direct avec cet esprit, soit parce que vous développez vous-même un esprit Éveillé.
Il est particulièrement difficile, pour une personne qui est née et a grandi en Occident, de porter son attention sur cette catégorie de Bouddhéité, ou d'humanité Éveillée. Conze expose avec vigueur et concision le défi présenté par le premier des Trois Joyaux : « Notre conception du Bouddha doit lui rendre justice en tant qu'Absolu inconditionné. » Il est bien trop aisé soit d'être en deçà de la vérité et de penser au Bouddha comme à un être humain plus ou moins exceptionnel (ou même comme à un surhomme), soit d'aller trop loin en le déifiant ou en l'imaginant comme une incarnation de quelque principe supérieur, comme Jésus-Christ. La réalité de la Bouddhéité consiste en une troisième catégorie, très différente. Bien sûr, en tant que bouddhiste, vous avez besoin d'avoir une conception précise (même si elle est provisionnelle) de ce à quoi vous aspirez, mais cette conception est probablement mieux établie non pas à l'aide de nombreuses et subtiles élaborations théoriques, mais par la lecture des écritures pâlies, afin d'obtenir une impression de l'être humain Éveillé en action, menant ses affaires quotidiennes.
De manière similaire, c'est une erreur de suggérer, comme Conze semble le faire, que reconnaître un Bouddha par la possession de ses trente-deux marques représente la vision limitée de l'œil de la foi, contrastant avec la vision supérieure et plus profonde de l'œil de la sagesse. L'erreur provient de la priorité donnée au mode conceptuel par rapport à l'approche imaginaire. Cette priorité fait l'hypothèse que la sagesse trouve une expression plus adéquate dans les concepts que dans les images. Elle met la sagesse (dans le véritable sens d'une perception directe et intuitive de la vérité des choses) contre la foi (dans le sens populaire d'une croyance non sophistiquée en des bouddhas et des bodhisattvas considérés comme des êtres super-normaux qui écoutent les prières et donnent des bénédictions). Mais qu'en serait-il si vous visualisiez la forme du Bouddha non pas simplement en termes des trente-deux marques, mais en termes d'une figure qui exprime sagesse et compassion, paix et énergie ? Cette sorte d'image serait un objet approprié pour une foi qui est la contrepartie émotionnelle de la sagesse. Là où se trouve la véritable sagesse, se trouve la véritable foi. A l'autre extrémité de l'échelle, dans le cas, disons, du bouddhisme de Sri Lanka, vous trouvez des moines très savants qui ont un esprit sceptique bien développé mais peu de foi et de dévotion, entourés de laïcs qui ont une foi au grand cœur mais pas toujours discriminante, embrassant trop généreusement des déités hindoues et des saints musulmans.
La réussite du Mahayana fut de rassembler la foi et la dévotion, essentiellement à l'aide de l'Idéal du Bodhisattva. C'est pourtant une unification que Nagarjuna, par exemple, n'a pas réussi, bien qu'il soit crédité de la paternité d'hymnes de dévotion aussi bien que de l'analyse dialectique pour laquelle il est célèbre. Il semble avoir gardé sa sagesse et sa dévotion dans des compartiments séparés. L'union la plus réussie de l'émotion et de l'intellect est probablement trouvée dans le Bodhicaryavatara de Shantideva et dans les Chants de Milarépa. D'une façon bien différente, un contenu fortement émotionnel et archétype est fusionné avec un élément élevé - non pas intellectuel, ni même cognitif, mais gnostique - dans le Vimilakirti-nirdesa.
En fait, inférer la Bouddhéité de la preuve des trente-deux marques peut aussi bien être interprété comme une erreur intellectuelle que comme une erreur née de l'approche dévotionnelle. On pourrait dire que puisqu'un Bouddha est quelqu'un qui possède les trente-deux marques (ou toute autre preuve extérieure que vous préfériez : les dix pouvoirs, les dix-huit qualités spéciales d'un Bouddha, etc.) et puisque Gautama remplit ces conditions, Gautama est un Bouddha. Un tel syllogisme est cependant spécieux, car la prémisse en est erronée. Il n'y a simplement aucune façon d'inférer que quelqu'un est Éveillé, ou même qu'il y a une chose telle que l'Éveil. Il n'y a aucun moyen de remarquer un Bouddha. Vous auriez pu tous les jours être près du Bouddha, le regardant, l'écoutant, et ne pas du tout voir ce qu'il était et ce qu'il disait. Il y a des gens pour qui cela a été le cas, qui s'ennuyèrent à le voir sans cesse parler de la même chose. Il y a au moins un moine qui fut content lorsque Gautama mourut, et qui dit : « Eh bien, il nous disait toujours de faire ceci et de faire cela, et de ne pas faire ceci et de ne pas faire cela. Il est mort maintenant, et au moins nous serons débarrassés de tout cela. » En fin de compte, votre capacité à voir un Bouddha, à percevoir la mahaprajña et la mahakaruna - en la possession desquelles le Bouddha consiste essentiellement - est liée à notre propre capacité spirituelle ; elle dépend d'une expérience de perception directe et intuitive.
Le Soûtra du Diamant dit : « Ce qui a été enseigné par le Tathagata comme étant la possession de marques, est vraiment une non-possession de non-marques. » En d'autres termes, si vous dites qu'un Bouddha ne possède pas de marques, c'est comme si vous perceviez vraiment le Bouddha. Si vous ne le percevez pas vous ne pouvez même pas dire qu'il ne possède pas de marques. Mais le percevez-vous vraiment ? En fait, quand vous dites que vous le percevez, même si vous dites qu'il ne peut pas être perçu par la possession de marques, vous le percevez vraiment par la possession de marques. Vous ne l'avez donc pas vu comme ne possédant pas de marques. Vous devez le voir comme ne possédant pas de non-marques. Les marques ne sont pas une chose réelle indiquée par le mot « marques ». Le mot ne peut pas être un signe de quelque chose qui n'est pas là. Ce n'est donc pas que le Bouddha ne possède pas de marques ; il ne possède pas de non-marques. Ce n'est pas qu'il y ait de réelle possession de marques réelles - les marques elles-mêmes ne sont pas réelles. Il n'y a donc pas de vraie possession de marques qui, en tout cas, n'existent pas.
© 'Wisdom beyond words' Sangharakshita, Windhorse Publications 1993, traduction © Christian Richard 2003.