Maintenant la question se pose : comment Nietzsche arrive-t-il à son concept de surhomme ? et pour répondre à cette question nous devons nous référer au commencement de Ainsi parlait Zarathoustra, nous référant à la section nommée le prologue de Zarathoustra. Zarathoustra est, bien sûr, le nom du fondateur de l'ancienne foi Zoroastrienne. Mais ici, dans l'œuvre de Nietzsche, Zarathoustra a très peu à voir en fait avec le Zarathoustra historique. Dans Ainsi parlait Zarathoustra, la figure de Zarathoustra est simplement un porte-parole pour les propres idées de Nietzsche. Il n'y a pas de connexion entre ces idées et le Zoroastrisme historique.
Alors le prologue de Zarathoustra le représente descendant de la montagne ; et ceci est bien sur symbolique, et se veut symbolique. Apparemment, nous en déduisons que Zarathoustra a passé 10 ans sur la montagne. Il a pensé, il a médité, et maintenant sa sagesse est mure, est prête à se déverser, et il veut la partager avec le genre humain. Donc il descend de la montagne. Et dans sa descente il rencontre un saint ermite, quelqu'un qui a vécut dans la forêt au pied de la montagne pendant des années et des années. Et le saint ermite reconnaît Zarathoustra. Apparemment il l'a vu des années auparavant dans sa montée, maintenant il le rencontre dans sa descente. Et le saint ermite essaie de persuader Zarathoustra de ne pas descendre parmi les hommes. Il dit ce sera une perte de temps, ne te dérange pas. Les hommes ne sont pas gratifiants. Les hommes sont distraits. Ne perds pas ton temps à descendre parmi eux. Il dit c'est beaucoup mieux d'être un ermite comme moi, c'est beaucoup mieux de vivre dans la forêt avec les oiseaux et les bêtes. Il est beaucoup mieux de vivre dans la forêt, ignorant les hommes, les oubliant, simplement vénérant Dieu. Mais Zarathoustra ne se laisse pas dissuader de sa mission. Il laisse le saint ermite à ses prières dans la forêt, et il continue à descendre la montagne. Et comme il va, il se dit à lui-même, ce peut-il que ce vieux saint n'ait encore rien entendu de cela, que Dieu est mort. Et cela bien sur, cette remarque que Dieu est mort, représente, constitue une des visions les plus importantes de Nietzsche. Dieu est mort.
Nous avons beaucoup entendu à propos du dieu est mort ou de la théologie de la mort de Dieu dans les dernières années, dans les dernières décades, mais tout a commencé avec Nietzsche. Il a été le premier à voir ceci, à voir que Dieu était mort, qu'il n'était plus là-haut dans les cieux. Donc ceci bien sur signifie que Nietzsche a vu, clairement, ce que beaucoup de gens ne semblent même pas voir aujourd'hui, cent ans après. Nietzsche vit clairement que l'enseignement orthodoxe chrétien, l'enseignement des églises, la théologie chrétienne orthodoxe avec ses doctrines d'un dieu personnel, d'un être suprême, un créateur, les doctrines de pêché et de foi, de justification et d'expiation, et la résurrection et tout le reste, que tout ce système est en fait mort, est en fait fini, est en fait hors de propos ; et que, comme quelqu'un le faisait remarquer récemment, nous vivons maintenant, pas seulement dans l'âge de la science et de la technique, pas même seulement dans l'âge de la mondialisation, nous vivons maintenant, malgré peut-être que nous ne sommes pas éveillés à ce fait, dans l'âge post-chrétien. Les âges chrétiens, qu'ils soient de foi ou de non-foi, sont derrière nous. Donc Dieu est mort. Et ce fait, cette déclaration, nous donne aussi un indice de la pensée de Nietzsche au regard du surhomme. Si Dieu est mort, si la chrétienté est morte, si le dogme chrétien est mort, si la théologie chrétienne est morte, alors la vue chrétienne, la conception chrétienne de l'homme est morte aussi. La conception de l'homme comme un être déchu, un être qui une fois a désobéi, qui a pêché, qui maintenant a besoin de grâce pour se racheter, qui doit croire, qui sera jugé, qui sera punit peut-être, ce genre de concept, ce genre de dogme à propos de l'homme est explosé, est fini, est mort.
Donc on doit trouver une nouvelle conception de l'homme. L'homme se trouve en quelque sorte dans un univers sans dieu. Il est seul. Donc l'homme doit essayer de se comprendre lui-même, de nouveau. Il ne peut pas prendre quelque conception ou quelque idée déjà faites sur lui-même. Il se trouve simplement ici, ici et maintenant, et doit se demander qui suis-je ? que suis-je ? Il se trouve lui-même au milieu de l'univers étoilé, il se trouve debout sur la terre, entouré d'autres hommes, avec une histoire derrière lui, peut-être avec un futur devant lui, et il doit se demander, et se demander à lui seul, personne d'autre parce qu'il n'y a personne d'autre pour lui dire, il doit se demander qui suis-je ? que suis-je ? Maintenant que les vieilles définitions sont parties, l'homme doit se définir lui-même, doit se définir lui-même de zéro, doit se découvrir, se connaître. Et ceci est en fait ce que Zarathoustra a déjà fait sur la montagne. Il a pensé, il a médité peut-être, contemplé peut-être, pendant dix longues années, et maintenant il sait ce qu'est l'homme. Et c'est maintenant le message qu'il apporte à l'humanité. C'est la vision qu'il apporte maintenant à l'humanité.
Donc Zarathoustra atteint la lisière de la forêt, il arrive à une ville en lisière de la forêt, il entre dans la ville et là dans la ville, sur la place du marché, il voit des gens rassemblés. Alors pourquoi sont-ils rassemblés ? ils ne se sont certainement pas rassemblés pour l'écouter. Ils ne savaient même pas qu'il venait, ils ne savaient rien de lui. Ils sont venus voir un funambule. C'est ce en quoi ils sont vraiment intéressés. Mais néanmoins comme le funambule n'est pas encore arrivé (apparemment il est en retard ou quelque chose comme ca), Zarathoustra, prenant avantage de la situation, la saisissant à deux mains en quelque sorte, leur parle. Et que dit-il ? Rappelez-vous que ceci est son premier message, sa première déclaration. Que dit-il ? Zarathoustra dit, s'adressant aux gens sur la place du marché, s'adressant si vous voulez à toute l'humanité, il dit : je vous enseigne le surhomme. L'homme est quelque chose qui se doit surmonter. Pour le surmonter que fîtes-vous ?
‘The Higher Evolution’ © Sangharakshita, 1969, traduction © Centre Bouddhiste Triratna, 2002.