Or, en particulier en Occident, cette sorte de recours à l'art, aux chef-d'œuvres de l'art, est fréquente, qu'il s'agisse de peinture, de musique ou de littérature. C'est parce qu'en Occident, la religion traditionnelle, la religion conventionnelle, c'est-à-dire le christianisme, a perdu son influence. Comme quelqu'un l'a justement dit, nous vivons déjà dans l'ère post-chrétienne. Les monuments de la chrétienté, parmi lesquels il y en a de très grands et merveilleux, sont encore autour de nous, mais ils sont morts et vides, ce sont des coquilles. La religion traditionnelle n'est plus, pour la grande majorité des gens, pour les non-fervents, un moyen d'atteindre la grâce. Nous n'en retirons plus rien. Cela ne veut plus rien dire. Cela ne nous soulève pas, ne nous émeut pas, ne nous transforme pas, ne nous transfigure plus du tout. Peut-être était-ce le cas il y a longtemps, il y a cent ans, au siècle dernier, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. C'est fini, terminé, souvent totalement sans signification. Les gens ne sont même plus contre. Que s'est-il donc passé ? Pour beaucoup de gens, la place de la religion a été prise par l'art. La place de la religion, la fonction de la religion a été reprise par l'art, par les arts.
Je pense que ceci est la raison de l'immense popularité de tous les arts aujourd'hui. Parfois nous rouspétons et nous nous plaignons du déclin de la culture et des choses de ce genre, mais en fait nous devons reconnaître qu'il y a eu un grand progrès. Auparavant, la possibilité d'apprécier les œuvres d'art était un privilège de peu de gens. Il y a 500 ans, si vous viviez dans ce pays, vous auriez probablement habité un taudis misérable fait de clayonnage enduit de torchis, et vous n'auriez pas vu des images ou des peintures, sauf une ou deux à l'église. Vous n'auriez pas entendu beaucoup de musique. Vous n'auriez certainement pas lu beaucoup, peut-être rien. Ces choses, le plaisir de la culture, des œuvres d'art, étaient le privilège de l'élite, des riches, des nobles, des puissants de ce monde. Mais aujourd'hui, nous trouvons que l'héritage artistique de toutes les époques est à la portée de pratiquement tout le monde. Quand vous pensez au passé, quand vous pensez aux grands musiciens classiques du XVIIIème siècle, combien de gens avaient entendu leur musique à leur époque ? Du temps de Mozart, combien de gens avaient-ils entendu ses symphonies, et ses autres œuvres ? Peut-être quelques dizaines de milliers, tout au plus. Parfois seulement une centaine de personnes pouvaient les entendre. Mais aujourd'hui, avec la radio, les mêmes œuvres sont appréciées encore et encore par des dizaines et même des centaines de millions de gens, dans le monde entier. Une grande expansion de la culture a lieu en ce moment, qu'il ne nous faut pas négliger. Les grandes œuvres d'art sont de plus en plus accessibles à un nombre de plus en plus grand de personnes ; il en résulte qu'elles exercent lentement et sûrement une influence, raffinant et élevant graduellement le niveau de conscience d'une partie très considérable et influente de la population au moins, pour ne pas dire de toute la population. De cette manière, elles contribuent au processus de l'évolution supérieure tout entier, elles contribuent, à travers ces canaux culturels et artistiques, à l'éclosion de l'homme nouveau.
‘The Higher Evolution’ © Sangharakshita, 1969, traduction © Centre Bouddhiste Triratna, 2002.