Le Bouddha dit qu'il était une fois un Bouddha nommé Bhaisajyaraja, qui signifie « roi de la guérison » ou « roi médecin ». Il vivait il y a inconcevablement longtemps. Sa durée de sa vie, dit le Bouddha, fut de vingt éons courts. Il avait un entourage de 36 millions de billions de disciples, c'est-à-dire pratiquant le Hinayana, et aussi un entourage de 12 millions de billions de bodhisattvas, c'est-à-dire adeptes du Mahayana. A la même époque vivait un monarque universel nommé Ratnacchatra, ce qui veut dire « précieuse ombrelle ». Ce roi qui avait 1000 fils était très dévoué au Bouddha Bhaisajyaraja. Tous ses fils l'étaient aussi et ils adoraient tous le Bouddha Bhaisajyaraja en lui faisant beaucoup, beaucoup d'offrandes matérielles, et, père et fils continuèrent à faire ceci pendant dix éons. Mais il y avait un prince qui ne se satisfaisait pas de ce genre de chose. Il était à part, « l'individu » si vous voulez. Il s'appelait Candraccatra ou « ombrelle lunaire » et il se retira dans la solitude. On peut dire qu'il en eut assez de toutes ces adorations et se dit :
« N'y a-t-il pas une autre façon d'adorer, encore meilleure et plus subtile que celle-ci ? »
Et il eut une réponse. Les dieux lui parlèrent des cieux et dirent :
« l'adoration suprême est l'adoration du dharma »
et Candraccatra demanda :
« qu'est ce que cette adoration du dharma ? »
et les dieux répondirent :
« vas voir le Bouddha Bhaisajyaraja et il te le dira ».
Candracchattra alla demandé au Bouddha Bhaisajyaraja ce qu'était cette adoration du dharma et Bhaisajyaraja répondit :
« noble fils, l'adoration du dharma est l'adoration des discours enseignés par le Tathagata ; ces discours sont profonds et pénétrant pour l'illumination ; ils ne sont pas conformes au mondain et sont difficile à comprendre, difficiles à voir, et difficiles à réaliser. Ils sont subtils, précis et de façon ultimes, incompréhensibles. En tant qu'écritures, ils sont rassemblés dans le canon des bodhisattvas, frappés de l'insigne du roi des incantations et des enseignements. Ils révèlent la roue du dharma irréversible provenant des six transcendances, nettoyés de toute notion fausse, ils sont pourvus de toutes les aides à l'éveil et incarnent les sept facteurs d'éveil. Ils initient les êtres sensibles à la grande compassion et leur apprennent le grand amour. Ils éliminent toutes les perversions des maras et rendent la relativité manifeste. Ils contiennent le message du non-soi, du non-être sensible, de la non-vie, de la non-personne, de la vacuité, du sans-signe, du sans-souhait, de la non-action, non-production et non-existence. Ils rendent possible l'atteinte du siège de l'eveil et mettent en branle la roue du dharma. Ils sont approuvés et loués par le chef des dieux, nagas, yaksas, gandharvas, asuras, garudas, kimnaras, et mhoragas. Ils préservent la continuité de l'héritage du dharma sacré, ils contiennent le trésor du dharma et représentent le sommet de l'adoration du dharma. Ils sont respectés par tous les êtres saints et enseignent toutes les pratiques du bodhisattva. Ils provoquent la compréhension sans erreur du dharma dans son sens ultime. Ils certifient que toutes les choses sont impermanentes, lamentables, dépourvues de soi, ils sont paisibles, résumant ainsi le dharma. Ils causent l'abandon de l'avarice, de l'immoralité, de la méchanceté, de la paresse, de l'oubli, de la stupidité et de la jalousie, ainsi que de fausses convictions, de l'attachement aux objets et de toute opposition. Ils sont loués par tous les bouddhas. Ils sont le remède pour les tendances de la vie mondaine, et ils rendent authentiquement manifeste le grand bonheur de la libération. Comprendre de telles écritures, les respecter et les étudier, les enseigner correctement, et incorporer ainsi dans sa propre vie le saint dharma, ceci est l'adoration du dharma ».
« De plus, noble fils, l'adoration du Dharma consiste en la détermination du dharma selon le dharma, l'application du dharma selon le dharma ; être en harmonie avec la relativité ; être libre de convictions extrémistes ; atteindre la tolérance de la non-naissance et non-existence de toutes choses, réaliser le non-soi, et le non-être sensible ; s'abstenir de se perturber à propos des causes et des conditions, sans se quereller ou contester ; ne pas être possessif, être libre d'égoïsme ; se fier à la signification et non à l'expression littérale ; se fier à la gnose et non à la conscience ; se fier aux enseignements ultimes, au sens définitif, et ne pas insister sur les enseignements superficiels dont le sens se prête aux interprétations ; se fier à la réalité et ne pas insister sur des opinions venant de l'autorité des personnes ; réaliser correctement la réalité du Bouddha ; réaliser l'absence ultime de toute conscience fondamentale ; et vaincre l'habitude de s'accrocher à une base ultime. Finalement atteindre la paix en arrêtant tout de l'ignorance de la vieillesse-mort-peine-lamentation-misère-anxiété et agitation, et réaliser que les êtres sensibles ne connaissent pas la fin de leur vues à propos des douze maillons de l'origine en dépendance ; alors, noble fils, quand tu ne maintiens plus aucune vue du tout, ceci est appelé l'adoration du dharma sans égale ».
Voici donc ce que dit Bhaisajyaraja. Et quand Candracchattra l'entendit, il fut bouleversé. Il eut une expérience transcendantale profonde. Il fit le vœu de se vouer au dharma, et fit le vœu d'atteindre l'éveil suprême puis, sans plus tarder, il alla de l'avant dans la vie sans foyer.
Alors, pour l'édification de Sakra, le Bouddha identifie les personnages de l'histoire. Il dit que le roi Ratnacchattra n'étais pas moins que le Bouddha Ratnarcis qu'il allait devenir. Ses 1000 fils sont les 1000 Bodhisattvas de l'éon présent ; tandis que le prince Candrachattra était le Bouddha Sakyamuni lui-même, ou plutôt le Bouddha Sakyamuni était le prince Candrachattra. Le Bouddha transmet alors le dharma au Bodhisattva Maitreya, en même temps que des instructions diverses, et c'est la fin du Vimalakirti Nirdesa.
Voilà donc le contexte général dans laquelle la question qui nous intéresse apparaît. La question de savoir s'il n'y a pas une meilleure façon d'adorer le Bouddha que de faire des offrandes de choses matérielles. Nous avons vu qu'il y a une meilleure façon connue sous le nom d'adoration du dharma.
Et au sein de cette adoration du dharma, se trouvent « les quatre grandes bases fiables »:
Avant de les examiner, je dois dire quelques mots à propos du besoin de critères dans la vie spirituelle. Je veux aussi effleurer un ou deux autres aspects de l'adoration du dharma énumérés par Bhaisajyaraja.
Pour ce qui est des critères de la vie spirituelle, pour être bref, je veux simplement insister sur le besoin d'avoir de tels critères, critères que nous trouvons, bien sûr, dans « les quatre grandes bases fiables ». De nos jours on parle beaucoup, et souvent très superficiellement, de la vie spirituelle. On parle beaucoup d'amélioration et de développement personnel, on parle même beaucoup de méditation. Mais ces termes sont utilisés de façon très vague : très peu de gens ont une idée bien claire de ce qu'ils entendent en utilisant ces termes. Et c'est ainsi que la porte est grande ouverte à ce que l'on ne peut qu'appeler de l'exploitation. Quelqu'un arrive (peut être d'Orient ...ou de Californie), il ou elle s'installe, fait beaucoup de publicité sur telle ou telle technique de développement personnel, telle ou telle sorte de méditation, ou quelque chose d'autre tout à fait bizarre. En général il demande pas mal d'argent, et beaucoup de gens s'engagent. Mais très souvent ils ne savent pas dans quoi ils s'impliquent. Ils n'ont pas de critères à appliquer. Au mieux ils s'impliquent dans un groupe plutôt positif. Au pire ils s'impliquent dans une escroquerie et en souffrent psychologiquement sévèrement en cous de route. Mais ils ne s'engagent certainement pas dans la vie spirituelle dans son sens réel. Ils n'avancent certainement pas dans la direction de l'éveil. Des critères pour la vie spirituelle sont donc nécessaires.
'The Inconceivable Emancipation - Themes from the Vimilakirti Nirdesa', © Sangharakshita, 1990, traduction © Centre Bouddhiste Triratna, 2002